lundi 9 avril 2018

If you want to succeed, don’t tell anyone


I am a regular reader of the New York Times obituaries. It fascinates me to read about the lives of people who have devoted their lives to something and have succeeded to the point where they were recognized by their peers, even if their names were not widely recognized.
One reason why this interests me is that I also spend a lot of time around college students, who are typically at the front end of their career paths. Most students are just starting the process of committing themselves to a course of study or a career that will be interesting, fulfilling and successful (though hopefully they won't appear in the Times obituaries any time soon).
As a result, I'm interested in what makes people succeed at becoming the people they want to be. You might think that the best way to ensure this success would be to announce it to the world. Some recent research suggests that a public statement of your intentions may not be such a good idea.
Peter Gollwitzer, Paschal Sheeran, Verena Michalski, and Andrea Siefert published an interesting paper on this topic in the May, 2009 issue of Psychological Science. They argued that important goals like pursuing a career path involve a commitment to an identity goal. Identity goals are goals that ultimately influence a person's concept of who they are. Careers choices are one kind of identity goal, but committing to a hobby, to being a good parent, or to taking on a volunteer or charity position may also be identity goals.
They suggest that when people announce an intention to commit to an identity goal in public, that announcement may actually backfire. Imagine, for example, that Mary wants to become a Psychologist. She tells Herb that she wants to pursue this career and that she is going to study hard in her classes. However, just by telling Herb her intention, she knows that Herb is already starting to think of her as a Psychologist. So, she has achieved part of her identity goal just by telling Herb about it. Oddly enough, that can actually decrease the likelihood that Mary will study hard.
Gollwitzer and his colleagues provided evidence for this point. In one clever study, they had students interested in becoming Psychologists list two activities that they would perform in the next week to help them achieve that goal. Half of the people handed what they wrote to the experimenter who read it over and acknowledged reading what they had written. The other half were told that the exercise of writing down their intentions was given to them in error, and that nobody would be looking at it. The following week, all of the participants were contacted again and were asked to remember the goals they had written down the previous week and then to write down how much time they had spent on those activities. The people whose goals were read by the experimenter actually spent less time pursuing those activities than the people whose goals were not read. A number of follow-up studies were presented as well that ruled out other explanations for this finding.
These research results suggest that wanting to have a particular identity is an important motivator in carrying out the activities one needs to perform to succeed. When those activities are the only marker that you and others have that you have taken on a particular identity, then your motivation to work hard will be strong. When there are other ways to communicate your identity to others, your motivation to work hard will not be as strong. So when you are just starting out on the road toward a big undertaking, it is probably best to let your actions express your intentions louder than your words.
https://www.psychologytoday.com/us/blog/ulterior-motives/200905/if-you-want-succeed-don-t-tell-anyone

dimanche 8 avril 2018

Histoire — la traite esclavagiste a-t-elle permis le décollage économique de l'Occident ?

La recherche historique démontre que, contrairement aux certains préjugés courants, la traite esclavagiste ne fut en réalité qu’une composante économiquement secondaire, car peu rentable, du commerce que les Européens faisaient avec leurs partenaires africains. Les révolutions industrielles anglaise et française ne s’expliquent nullement par la traite négrière, bien au contraire.

La côte d’Afrique avait reçu des marins européens des noms faisant référence aux principaux articles du commerce colonial. Le littoral de l’actuelle Mauritanie et jusqu’à la Casamance, était ainsi le Pays des gommes (gomme arabique). De l’actuelle Guinée Bissau jusqu’à l’ouest de l’actuelle Côte d’Ivoire, le littoral avait pour nom Côte de Malaguette ou de Maniguette (une variété de poivre) ; l’actuelle Côte d’Ivoire était la Côte des dents (ivoire), cependant que l’actuel Ghana avait pour nom la Côte de l’or. Quant aux Côtes des esclaves, elles s’étendaient de l’actuel Togo jusqu’à l’Angola inclus.

Le long de cet immense arc commercial, contrairement à certaines idées reçues, la traite ne représenta économiquement qu’une part minuscule de l’ensemble du commerce maritime des puissances européennes.

Une usine de tissage de coton en Grande-Bretagne, gravure de 1835.


Angleterre

Le cas de l’Angleterre a été remarquablement étudié. Il mérite que l’on s’y attarde. Au XVIIIesiècle, apogée du commerce colonial britannique, les navires négriers totalisaient moins de 1,5 % de toute la flotte commerciale anglaise et moins de 3 % de son tonnage [1]. La raison de ces faibles pourcentages était manifestement économique car, alors que le commerce colonial au sens le plus large était très rentable pour les armateurs, celui des esclaves l’était beaucoup moins. Ses profits n’étaient ainsi en moyenne que de 3 %, avec un retour annuel sur investissement de 2 % [2].

Les historiens britanniques sont allés plus loin dans leurs recherches et ils ont cherché à établir en quoi le commerce des esclaves aurait pu, par ses bénéfices, permettre la révolution industrielle anglaise. Le résultat de leurs recherches est clair : les bénéfices tirés de l’odieux commerce négrier ne représentèrent en effet que moins de 1 % de tous les investissements liés à la révolution industrielle d’Outre-Manche [3] et : « […] l’apport du capital négrier dans la formation du revenu national britannique dépassa rarement la barre de 1 %, atteignant seulement 1,7 % en 1770 et en moyenne la contribution de la traite à la formation du capital anglais se situa annuellement, autour de 0,11 % »[4].

Ce ne furent donc pas les bénéfices tirés de la traite des esclaves qui permirent la révolution industrielle anglaise.

France

La réalité est identique en ce qui concerne la France, même si, en ce qui concerne cette dernière, nous ne disposons pas pour l’époque de la traite esclavagiste, d’analyses économiques aussi poussées que celles faites par les historiens britanniques.

Au XVIIIe siècle les esclavagistes français affirmaient que la traite était nécessaire aux Antilles, que celles-ci étaient indispensables au commerce colonial et que ce dernier était vital pour l’économie française. Ils en tiraient la conclusion que la Traite était nécessaire à la France. C’est en se basant sur ce syllogisme vieux de plus de deux siècles que certains historiens n’ont cessé d’affirmer que la France avait bâti sa richesse sur la traite des esclaves.
Si ce postulat était vérifié, l’interruption de la Traite entre 1792 et 1815 en raison de la guerre maritime aurait donc dû provoquer l’effondrement de l’économie française, or ce ne fut pas le cas. 

En outre :

1) Si les profits de la Traite sont à l’origine de la révolution industrielle, comment expliquer qu’à la fin du XVIIIe siècle, et alors que le commerce colonial français était supérieur en volume au commerce colonial anglais [5], la France, à la différence de l’Angleterre, n’a pas fait sa révolution industrielle ?

2) Pourquoi la Révolution industrielle française s’est-elle produite bien plus tard, dans la seconde partie du XIXe siècle, donc bien après l’abolition de l’esclavage ? 

3) Pourquoi cette révolution industrielle s’est-elle faite dans l’Est, notamment en Lorraine, dans la région lyonnaise, ainsi que dans le Nord, loin des ports négriers du siècle précédent de la côte Atlantique, Bordeaux ou La Rochelle ?

Ailleurs dans le monde

4) Durant la période 1701-1810, une part très importante du commerce des esclaves était contrôlée par le Portugal. Si le développement industriel s’était mesuré aux profits réalisés dans le commerce négrier, le Portugal aurait donc dû être une des nations les mieux loties. Or, il y a encore trois ou quatre décennies, non seulement ce pays était un pays arriéré économiquement en Europe, mais encore, il n’a jamais fait sa révolution industrielle.

5) Pourquoi malgré sa longue tradition esclavagiste, le monde arabo-musulman n’a-t-il pas connu de révolution industrielle ? 

6) Comment expliquer l’industrialisation de l’Allemagne, de la Suède, de la Tchécoslovaquie, pays qui n’ont pourtant pas participé (ou alors d’une manière plus qu’anecdotique) au commerce des esclaves ?

7) Si le postulat de la révolution industrielle reposant sur les profits de la traite esclavagiste était vérifié, ladite révolution industrielle aurait donc dû se produire dans le sud des États-Unis, région esclavagiste et non dans le nord, région abolitionniste. Or, les États du Sud sont demeurés essentiellement agricoles, et c’est précisément parce qu’ils n’avaient pas fait leur révolution industrielle qu’ils furent battus par le Nord industrialisé.


On peut même dire que la Traite et le système esclavagiste ont enfoncé le Sud dans l’immobilisme quand le Nord, qui avait la chance de ne pas dépendre d’une économie esclavagiste, s’était industrialisé.

Notes

[1] Eltis, David, The Rise of African Slavery in the Americas, à New York, en 1999,  page 269.

[2] Thomas, Hugh (traduction), La Traite des Noirs (1440-1870), à Paris, en 2006, pages 461-463.

[3] Richardson, David, The British Empire and the Atlantic Slave Trade. 1660–1807in The Oxford History of the British Empire, volume II, à Oxford, en 1998, pages 440–464

[4] [5] Pétré-Grenouilleau, Olivier, Les traites négrières. Essai d’histoire globale, à Paris, en 2004, page 339.


http://www.pouruneécolelibre.com/2018/04/histoire-la-traite-esclavagiste-t-elle.html