lundi 7 mars 2022

Ces «visas dorés» qui protègent les oligarques russes en Europe

De nombreux pays attirent les grandes fortunes en leur offrant un permis de résidence, voire la citoyenneté en échange d’investissements. Certains milliardaires proches de Vladimir Poutine en ont bénéficié et pourraient échapper aux sanctions internationales qui les visent après l’invasion de l’Ukraine.

La formule porte le nom de «résidence contre investissement», mais on la désigne couramment sous celui de «golden visa». Plusieurs pays de l‘Union européenne l’appliquent sous une forme qui a permis à des oligarques russes de s’installer en toute légalité, moyennant finances, à l’étranger. Ce qui complique singulièrement l’application de sanctions à ces hommes d’affaires réputés proches du Kremlin.

Dans au moins la moitié des pays de l’Union européenne, tout ressortissant non communautaire peut obtenir un permis de résident s’il apporte une forte somme d’argent, le plus souvent pour investir dans l’immobilier. Pour résumer, si un non-Européen s’offre une résidence de luxe au Portugal ou en Grèce, il reçoit avec les clés sa carte de résident, pour lui, son conjoint et ses enfants. Mieux : au bout d’un certain temps, la famille peut opter pour la nationalité du pays d’accueil. Au Portugal, il suffit de cinq ans de résidence pour présenter sa demande, contre sept ans en Grèce et dix en Italie.

En quête de capitaux étrangers

Les pays de l’Union européenne qui proposent la «résidence contre investissement» sont souvent en Europe du Sud : Chypre, Espagne, Grèce, Italie, Malte, Portugal… Le système était un moyen d’attirer des capitaux étrangers après la crise financière et bancaire de 2008, qui a ravagé les économies et paupérisé la population. L’Autriche, la Belgique, l’Irlande et la Lettonie proposent aussi des goldens visas contre investissement. Pas la France, dont le programme «passeport talents» accorde un permis de résidence temporaire pour les investissements dans les entreprises, pas dans l’immobilier.

Les formalités varient d’un Etat à l’autre : si l’Espagne demande un investissement immobilier minimum de 500 000 euros, le ticket d’entrée est plus raisonnable en Lettonie (50 000 euros), à Malte (175 000 euros) ou au Portugal (200 000 euros). D’après le quotidien El Paísl’Espagne a distribué en 2019 plus de 8 000 permis dorés, un chiffre qui progresse annuellement depuis leur lancement, en 2013. Parmi eux, 681 correspondent à des investissements dans le secteur du bâtiment. Les citoyens russes ont longtemps été en tête dans cette catégorie, mais ne l’étaient plus en 2020, largement devancés par les Chinois.

«Des occasions en or de corruption»

Les ONG critiquent depuis longtemps ce principe de résidence (ou citoyenneté) contre investissement. Dès 2018, Transparency International relevait ainsi que les conditions à remplir (casier judiciaire vierge, contrôle de la légalité des fonds) étaient facilement contournables. L’an dernier, la Bulgarie a annoncé la fin de son programme afin de lutter contre la corruption. C’est l’un des trois pays (avec Chypre et Malte) suspectés par la Commission européenne de fermer les yeux sur le blanchiment de capitaux et la fraude fiscale sous couvert de golden visas.

https://www.liberation.fr/international/europe/ces-visas-dores-qui-protegent-les-oligarques-russes-en-europe-20220306_SZEY57R2SNFCTBAZD6GWJDOH5U/