lundi 3 novembre 2008

Des black Indians en guerre contre les Cherokees

Tina Turner, Jimi Hendrix, Michael Jackson: ces trois-là partagent autre chose que d'être des stars, passées ou présentes, de la musique américaine. Ils ont tous du sang indien qui coule dans leurs veines. Ils sont ce qu'on appelle ici des Black Indians.

Leur réussite peut certes être érigée en symbole d'une Amérique qui se mélange et qui, en se mélangeant, fait éclore tous ses talents. Mais derrière ces quelques cas isolés, il y a une histoire méconnue. Une histoire qui dure encore et qui voit s'affronter, dans l'indifférence de la plupart des Américains, certaines nations indiennes et des descendants d'esclaves.

Cette réalité oubliée, nous l'avons découverte par hasard. Un dimanche matin, nous avons rencontré Delphine Criscenzo, une étudiante française qui étudie à Bloomington depuis deux ans. Passionnée par l'histoire des Noirs américains, elle s'est spécialisée dans celle de ces hommes et de ces femmes qui ont la peau plus ou moins noire, qui revendiquent leurs ancêtres indiens et qui, pourtant, peinent à se faire reconnaître par la nation cherokee.

Dès le début de l'esclavage, le destin des tribus indiennes du sud-est des Etats-Unis se mêle à celui des esclaves. Il arrive que les liens deviennent à ce point étroits entre les Indiens et ceux qui fuient leurs chaînes, que les maîtres blancs s'en inquiètent et prennent soin de les séparer. Il arrive aussi que les Africains ne fassent que tomber d'une servitude dans une autre. Car certaines tribus ont vite fait de comprendre tout l'intérêt économique qu'elles vont pouvoir tirer de cette main d'œuvre.

En 1825, on ne compte plus que 13 563 Cherokees, mais ces mêmes Cherokees possèdent 1 217 esclaves. Et lors d'un autre recensement, dix ans plus tard, on estime que 10% d'entre eux ont au moins un ancêtre africain.

En 1830, lorsque cette tribu doit quitter sa terre pour aller s'installer dans une réserve à l'ouest, dans l'Oklahoma, elle emmène ses esclaves avec elle. Et lorsque l'esclavage est aboli, le gouvernement fédéral lui impose de leur rendre leur liberté et de leur reconnaitre le droit de prendre la nationalité cherokee. Un traité est signé en 1866. Loin de tout régler, il est à l'origine d'un malentendu qui dure encore et qui s'est envenimé depuis quelques années.

Car certains descendants d'esclaves réclament toujours en vain d'être reconnus comme de vrais Cherokees. Ils se heurtent au refus d'une nation qui a, en la matière, les pleins pouvoirs mais qui est également soumises à de terribles pressions. L'an dernier, une élue de la Chambre des représentants est allée jusqu'à déposer un projet de loi qui prévoit la fin de la nation cherokee et donc la suppression des aides fédérales versées à sa population soupçonnée d'être animée de préjugés racistes.

Tout cela peut paraître bien loin de l'élection du prochain président. Mais est-ce si évident? On peut aussi voir beaucoup de choses dans ce bras de fer entre deux minorités victimes de l'histoire américaine. On peut y distinguer un symbole des fantômes qui hantent le passé de ce pays. On peut aussi y deviner la façon dont fonctionne cette société qui a la manie de classifier sa population. Cela lui permet sans doute de diagnostiquer plus facilement les problèmes inter-ethniques qu'elle rencontre. Mais cela peut aussi les cristalliser jusqu'à l'absurde lorsqu'il devient compliqué de faire entrer dans une catégorie tout un groupe d'Américains.


http://indiana.blogs.liberation.fr/indiana/2008/11/tina-turner-jim.html?cid=137473453#comment-137473453

http://fr.youtube.com/watch?v=_txH0HJMIYU

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