Le Point.fr
La France souhaite attirer des étudiants étrangers. Mais elle les refoule une fois diplômés.
Que va devenir Omar (1), 23 ans ? Dans quelques jours, son autorisation de séjour en France expire. Et deux semaines plus tard, il sera convoqué à la préfecture. "Je serai alors sans papiers. Je ne sais pas si c'est pour faire avancer ma demande de régularisation ou pour me tendre un piège", dit calmement le jeune homme.
Une histoire de sans-papiers de plus ? Pas tout à fait. Omar a un bac + 5. Il est diplômé d'une des plus prestigieuses institutions de notre enseignement supérieur. Il a fréquenté dans son pays d'origine, le Maroc, un de ces très grands lycées français qui sont la vitrine de notre excellence académique. On l'y a encouragé à tenter nos concours les plus difficiles. Au prix de deux ans de travail acharné, Omar a réussi. Récemment diplômé, il voit s'ouvrir de belles perspectives professionnelles. D'ailleurs, très vite, il obtient une promesse d'embauche. Mais il y a quelques semaines, le couperet tombe : les autorités françaises lui ont refusé de rester en France pour travailler. Son visa étudiant va bientôt expirer...
Tour de vis
Omar raconte son histoire d'une voix égale. Il s'excuse de ne pas pouvoir donner plus de détails. Il craint que ses tentatives pour régulariser sa situation n'échouent s'il est reconnu. Pas de détail donc, mais des histoires, à foison, d'étudiants auxquels la France a fait les yeux doux, que les grandes entreprises françaises mondialisées - L'Oréal, Sodexo, Total... - aimeraient bien former ici pour leur transmettre leur "culture maison", avant de les muter soit chez eux, soit ailleurs, dans une carrière qui, de toute façon, ne connaîtra pas de frontières. Seulement, de nos jours, c'est devenu de plus en plus difficile.
Le 31 mai 2011, Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, et Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé, ont envoyé aux préfets une circulaire durcissant les conditions d'obtention d'un permis de travail. L'objectif est chiffré : passer de 30 000 visas de travail à 20 000. Victimes collatérales de ce tour de vis : les étudiants étrangers, y compris les diplômés de nos plus grandes écoles : HEC, Centrale, Sciences Po... L'administration ne fait pas de détail. La méthode : la multiplication des démarches nécessaires. Le nombre de pièces demandées pour obtenir le changement de statut (d'étudiant à salarié) a explosé. Certaines demandes sont difficiles à satisfaire, ainsi faut-il une copie de son diplôme, mais bien souvent, entre la fin du cursus et la délivrance dudit document, il s'écoule environ six mois. Un casse-tête. Selon le collectif étudiants étrangers qui vient de se monter, encore est-ce là un simple hors d'oeuvre : "Cette première démarche sert uniquement à pouvoir retirer en préfecture le dossier de demande de changement de statut." Il faut alors tout recommencer...
Refus discrétionnaire
Ces tracasseries confinent au cauchemar quand la réponse tombe, discrétionnaire : refus ! "En général, c'est en arguant que le marché de l'emploi dans le secteur concerné est en tension. Mais, des mois plus tard, les postes que les étrangers avaient décrochés sont toujours à pourvoir", s'exclame une étudiante qui souhaite garder l'anonymat. Quel gâchis ! Souvenez-vous, c'était il y a une éternité, en 2007 : Nicolas Sarkozy prônait l'immigration choisie. En mars 2010, Pierre Tapie, président de la Conférence des grandes écoles expliquait à la presse que les étudiants étrangers n'étaient pas un fardeau, mais une véritable manne : non seulement ils sont prêts à payer cher un diplôme, (à l'Essec, l'école que dirige Pierre Tapie, ils payent le double des étudiants français), mais ils renforcent le rayonnement culturel et économique du pays. Ces cadres étrangers sont des recrues de choix pour les entreprises françaises à l'étranger, ajoutait-il.
Même tonalité le 10 mai 2011, lors d'une réunion du G8. Alain Juppé exhortait notre enseignement supérieur à briller à l'international : "Dans un environnement où la connaissance et l'innovation sont des facteurs essentiels de la compétitivité, [la mobilité internationale étudiante] devient un enjeu majeur de la compétition économique mondiale, tant par son importance financière que par les potentiels qu'elle développe. Pour nos écoles et nos universités, elle constitue un élément essentiel de l'accès à l'excellence", affirmait le ministre des Affaires étrangères. Sans doute ne s'était-il pas concerté avec ses collègues du gouvernement qui publiaient leur circulaire moins de trois semaines plus tard. Un directeur de grande école s'emporte : "On n'espère quand même pas attirer des étudiants si c'est pour les mettre dans un charter dès qu'ils ont fini leurs études !" Pour Bernard Belletante, président du Chapitre des grandes écoles de commerce, il est clair que ces étudiants vont préférer d'autres destinations. Omar, lui, n'a aucune idée de ce qui va lui arriver. Il attend.
(1) Le prénom a été modifié
mardi 27 septembre 2011
lundi 26 septembre 2011
La très étrange étude d'un milliardaire sur les musulmans de Marseille
Les Marseillais musulmans seraient victimes de discrimination selon deux chercheurs de l'Institut sur le monde arabe et musulman.
Les Marseillais musulmans: une compilation de clichés.
"Les musulmans de Marseille font face à une discrimination inquiétante" ; "Les musulmans de Marseille se sentent abandonnés par leur ville"; "La moitié des musulmans marseillais ne se sentiraient pas bien dans leur ville".
Ces affirmations tournent depuis hier sur le Net, alimentant des sites et des blogs dans toutes les langues. À l'origine de ces allégations, le rapport présenté lundi par l'Open Society Foundation, organisme privé créé par le financier milliardaire américain George Soros qui a "exploré la situation des musulmans dans onze villes européennes".
Pour Marseille, l'étude a été confiée à deux chercheurs de l'Institut sur le monde arabe et musulman (Françoise Lorcerie et Vincent Geisser), implanté à Aix. Bigre, à première vue, on dirait que c'est du sérieux. Aussi, c'est avec effroi qu'on découvre dans cette étude de 315 pages que les musulmans marseillais sont maltraités dans tous les domaines : à l'hôpital, où l'islam ne serait "pas respecté", où les soignants feraient preuve d'une "méfiance croissante" à leur égard.
En matière de logements sociaux, les musulmans seraient confrontés à une "hiérarchisation socio-ethnique". À Marseille, ils seraient les victimes d'une "logique de sécurisation des quartiers populaires à forte concentration d'immigrés". Leur relation avec les policiers serait "imprégnée de pratiques coloniales".
Observons toutefois que la police est "moins raciste" que les états-majors politiques et les médias régionaux, porteurs du même "discours stéréotypé stigmatisant et sécuritaire". Bref, à en croire nos sociologues aixois, Marseille, qu'on croyait multiculturelle et plutôt accueillante, est en fait une ville "divisée et xénophobe". Mais au fait, ils se basent sur quoi ces chercheurs ?
Pour asséner de telles vérités, on imagine qu'ils ont dû recouper les statistiques, composer des panels, visiter les mosquées, solliciter les associations, éplucher les politiques, analyser les discours Rien de tout ça. Leur méthode? Ce que les journalistes appellent un "micro-trottoir", sorte de mini-sondage récréatif sans aucune portée scientifique. Le leur a été réalisé dans le seul 3e arrondissement.
En tout et pour tout, 100 Marseillais se déclarant musulmans et 100 autres se déclarant non musulmans ont rempli un questionnaire. Le tout a été complété par six "focus" (groupes de discussions) et des "entretiens avec des autorités locales". Et hop, voilà pour le substrat scientifique. À l'arrivée, on ne s'étonnera pas que la plupart des conclusions ne soient ni sourcées ni démontrées. Avec quelques "perles" : savez-vous par exemple que "la délinquance s'est nettement améliorée au cours des 4 ou 5 dernières années à Marseille qui ne se distingue plus des autres villes françaises en terme de criminalité" ?
En revanche, pas un mot sur l'OM, ni sur les élus issus de l'immigration, les projets en cours sur les lieux de culte, le succès du multiculturalisme de la Fiesta des suds. L'intégration à Marseille est certes loin d'être parfaite, mais ce n'est pas en remplaçant des préjugés par des poncifs que l'on aidera à la résolution des problèmes. Conclusion : une étude de cours élémentaire réalisée par deux chercheurs égarés.
http://www.laprovence.com/article/a-la-une/la-tres-etrange-etude-dun-milliardaire-sur-les-musulmans-de-marseille
Les Marseillais musulmans: une compilation de clichés.
"Les musulmans de Marseille font face à une discrimination inquiétante" ; "Les musulmans de Marseille se sentent abandonnés par leur ville"; "La moitié des musulmans marseillais ne se sentiraient pas bien dans leur ville".
Ces affirmations tournent depuis hier sur le Net, alimentant des sites et des blogs dans toutes les langues. À l'origine de ces allégations, le rapport présenté lundi par l'Open Society Foundation, organisme privé créé par le financier milliardaire américain George Soros qui a "exploré la situation des musulmans dans onze villes européennes".
Pour Marseille, l'étude a été confiée à deux chercheurs de l'Institut sur le monde arabe et musulman (Françoise Lorcerie et Vincent Geisser), implanté à Aix. Bigre, à première vue, on dirait que c'est du sérieux. Aussi, c'est avec effroi qu'on découvre dans cette étude de 315 pages que les musulmans marseillais sont maltraités dans tous les domaines : à l'hôpital, où l'islam ne serait "pas respecté", où les soignants feraient preuve d'une "méfiance croissante" à leur égard.
En matière de logements sociaux, les musulmans seraient confrontés à une "hiérarchisation socio-ethnique". À Marseille, ils seraient les victimes d'une "logique de sécurisation des quartiers populaires à forte concentration d'immigrés". Leur relation avec les policiers serait "imprégnée de pratiques coloniales".
Observons toutefois que la police est "moins raciste" que les états-majors politiques et les médias régionaux, porteurs du même "discours stéréotypé stigmatisant et sécuritaire". Bref, à en croire nos sociologues aixois, Marseille, qu'on croyait multiculturelle et plutôt accueillante, est en fait une ville "divisée et xénophobe". Mais au fait, ils se basent sur quoi ces chercheurs ?
Pour asséner de telles vérités, on imagine qu'ils ont dû recouper les statistiques, composer des panels, visiter les mosquées, solliciter les associations, éplucher les politiques, analyser les discours Rien de tout ça. Leur méthode? Ce que les journalistes appellent un "micro-trottoir", sorte de mini-sondage récréatif sans aucune portée scientifique. Le leur a été réalisé dans le seul 3e arrondissement.
En tout et pour tout, 100 Marseillais se déclarant musulmans et 100 autres se déclarant non musulmans ont rempli un questionnaire. Le tout a été complété par six "focus" (groupes de discussions) et des "entretiens avec des autorités locales". Et hop, voilà pour le substrat scientifique. À l'arrivée, on ne s'étonnera pas que la plupart des conclusions ne soient ni sourcées ni démontrées. Avec quelques "perles" : savez-vous par exemple que "la délinquance s'est nettement améliorée au cours des 4 ou 5 dernières années à Marseille qui ne se distingue plus des autres villes françaises en terme de criminalité" ?
En revanche, pas un mot sur l'OM, ni sur les élus issus de l'immigration, les projets en cours sur les lieux de culte, le succès du multiculturalisme de la Fiesta des suds. L'intégration à Marseille est certes loin d'être parfaite, mais ce n'est pas en remplaçant des préjugés par des poncifs que l'on aidera à la résolution des problèmes. Conclusion : une étude de cours élémentaire réalisée par deux chercheurs égarés.
http://www.laprovence.com/article/a-la-une/la-tres-etrange-etude-dun-milliardaire-sur-les-musulmans-de-marseille
dimanche 25 septembre 2011
Un journaliste du Nouvel Obs tacle les « bobos »
Marianne
Dans son dernier livre, le journaliste Hervé Algalarrondo dénonce le fait que la gauche ait abandonné la classe ouvrière au profit des immigrés. Une stratégie politique qui symbolise la « boboïsation » d'une gauche en rupture avec le peuple.
Mais que fait Hervé Algalarrondo au Nouvel Obs ? C’est la question qui réside à la lecture de son dernier livre La gauche et la préférence immigrée tant son contenu paraît éloigné de la ligne du magazine phare de la gauche bobo. Sa thèse : cette gauche a abandonné les ouvriers, qu’elle voit comme des réactionnaires séduits par le FN, au profit des immigrés devenus les nouveaux damnés de la Terre. Pourtant, malgré l’émergence du problème des banlieues et des discriminations, les classes populaires sont toujours aussi précaires, elles vivent reléguées dans les espaces ruraux ou péri-urbains, (comme le souligne le géographe Christophe Guilluy, cité dans le livre) sans émouvoir grand monde sur les terrasses du 3e arrondissement de Paris.
Le livre d’Algalarrondo illustre à merveille une mutation politique. Au PS, à la représentation des ouvriers dans les instances de direction du parti, on préfère celle des « personnes issues de la diversité », SOS Racisme devient l'association de référence, le PCF et les syndicats déclinent, les mouvements étudiants, féministes, remplacent le mouvement ouvrier. La « préférence immigrée » n'est que la conséquence de la rupture de la gauche en général et du PS en particulier avec le peuple.
Pour l’auteur du livre, cette rupture s’explique notamment à travers le mouvement de mai 68, lorsque les syndicats ont négocié les accords de Grenelle et cessé le mouvement contre la position des étudiants les plus radicaux. Daniel Cohn-Bendit, ex-leader de Mai 68 devenu porte-étendard de la gauche libérale et libertaire (et chouchou du Nouvel Obs), en est le parfait exemple. De même, l’émergence du « je » et d’un individualisme pervers a entrainé « une suspicion excessive envers ce que l’on nommait naguère les ‘masses’ » (page 117) et une rupture avec la fierté nationale au profit de l’image du « citoyen du monde ».
LE PIÈGE DES SANS-PAPIERS
Par ricochets, la figure du « beauf » s’est développée au sein de la gauche, comme symbole du prolétaire, forcément réactionnaire, raciste et blanc. Mais au lieu de chercher à se réconcilier avec les ouvriers, la gauche a préféré se trouver une nouvelle clientèle. La fameuse note de Terra Nova (dézinguée par Algalarrondo), appelant la gauche à abandonner les ouvriers, devenus trop réactionnaires, au profit des immigrés n’a fait que acter un long processus.
Pour l’auteur, un des principaux exemples de cette « préférence immigrée » est bien sûr la question des sans-papiers. Il explique que même si, en apparence, le PS a un discours plus ferme à ce sujet, il reste toujours sous la pression d’une gauche radicale, partisane de la régularisation de tous les sans-papiers. Et d’une manière générale, c’est la « droit-de-l’hommisation de l’immigration » qui est dénoncée par Algalarrondo, qui est, on le rappelle, journaliste au Nouvel Observateur et non à Rivarol. Comme quoi, au sein de la gauche, certains savent regarder les choses en face.
Car l’auteur estime que la question des droits de l’Homme n’est pas forcément la plus pertinente pour aborder les flux migratoires, il faut encore s’interroger sur les conséquences de l’immigration sur les salariés locaux les plus vulnérables. Algalarrondo note avec justesse que le rôle du vrai humaniste « devrait être de donner du boulot aux travailleurs déjà présents dans l’Hexagone, quelle que soit leur date d’arrivée » plutôt que d’ouvrir les frontières au tout venant. (page 37). On ne peut réclamer la libre circulation des immigrés, si on n'est pas capable d'intégrer notamment par le travail les immigrés déjà présents, rappelle l’auteur. Dommage qu’une partie de la gauche ait oublié cette évidence.
LA « DROIT-DE-L’HOMMISATION DE L’IMMIGRATION »
En cela, Algalarrondo rappelle qu'« admettre toujours plus d'étrangers, sans réel contrôle, est dans ces conditions irresponsable ». Car si « les nouveaux arrivants trouvent un travail, parfois très pénible, (...) c'est souvent au détriment de postulants hexagonaux sans formation particulière » (page 28). Ainsi, réclamer la régularisation de tous les sans-papiers serait un « mot d'ordre anti-ouvriers ».
Le combat pour les sans-papiers est donc une parfaite illustration de ce changement de clientèle. On défend l'ouverture des frontières au détriments de l'emploi des classes populaires. Très pertinent, l’auteur note d'ailleurs que les meilleurs partisans de l’ouverture des frontières sont ceux qui ont les postes les plus à l’abri de la concurrence des immigrés : « Ceux qui militent dans des associations de défense des droits de l’Homme exercent souvent des métiers – fonctionnaires, médecins, avocats – qui sont loin d’être complètement ‘ouverts’. Ils sont protégés de la concurrence étrangère » (page 89).
La conclusion est cinglante : « Les conseillers ne sont pas les payeurs. Quand la gauche d’en haut clame que la France doit rester un pays ‘ouvert’, il faut comprendre : la Seine-Saint-Denis et les zones assimilées peuvent accueillir davantage d’immigrés. Pas terrible cette générosité » (pages 88-89). Certains militants, prompts à réclamer la venue d’une concurrence déloyale pour les emplois des autres et installée dans les beaux quartiers de Paris grâce aux judicieux articles immobiliers du Nouvel Obs, ont dû sentir leurs oreilles chauffer.
« L’IMMIGRATION À GOGO, C’EST UN CREDO DE BOBOS »
Ceux qui ont intérêt à une immigration massive ne sont donc pas ceux que l'on croît. On oublie trop souvent qu’un des meilleurs supporters de l’ouverture des frontières n'est autre que le Medef, ravi d’avoir à disposition une main d’œuvre moins chère et non syndiquée. L'auteur le souligne, il est risible de voir une partie de la gauche partager les même vues que le grand patronat. La lutte des classes n'aura pas survécu à l'ode à la diversité. Un regret cependant : l’auteur soutient les politiques de discrimination positive, notamment l’ « initiative bienvenue » du programme ZEP à Sciences po, qui relève pourtant plus de la démagogie que d’un réel souci de progrès social.
Malgré tout, la thèse reste juste et frappe la gauche là où il faut. Et pour aggraver son cas, Algalarrondo donne (en partie) raison à… Claude Guéant, horresco referens : « La proposition faite par Guéant de limiter l’immigration légale, pour faciliter l’intégration des immigrés déjà présents, n’a en soit rien de choquant » arguant que « l’immigration à gogo, c’est un credo de bobos » (page 39). Pire, l’auteur écrit sur le même sujet : « Ce qui est choquant, en l’occurrence, c’est que Nicolas Sarkozy n’ait pas mis en œuvre cette mesure dès le début de son quinquennat ». Attaquer Sarkozy sur son incapacité à réguler les flux migratoires plutôt sur ses atteintes aux droits de l'Homme, une chose que le PS n'a jamais su faire.
« LEPÉNISME À REBOURS »
Algalarrondo s’en prend donc à tout un pan de la gauche parlant même de « prolophobie » à son égard. Une façon courageuse de dire que le rejet de la gauche vis à vis des prolétaires non immigrés n’est ni plus ni moins qu’une discrimination, pas plus acceptable que la « préférence nationale » du FN. « La ‘préférence nationale’, martelée par le FN, est fondée sur la xénophobie. La ‘préférence immigrée’ est l’envers de la ‘prolophobie’ qui a saisi les élites de la gauche » (pages 12), écrit-il.
En cela, le journaliste explique que « la prolophobie a un pendant : la xénophilie. Naturellement, elle est très préférable à la xénophobie. Elle n’en est pas moins le signe d’une discrimination, c’est le mot qui convient, dans l’attitude de la gauche à l’égard des classes populaires ». (page 22). Il va même jusqu'à évoquer un « lepénisme à rebours ». « En qualifiant de lepénisme à rebours, la propension de la 'gauche bobo' à privilégier les immigrés, parmi les différentes classes populaires, nous ne cherchons pas à choquer. La gauche n'a rien à gagner à user à tort et à travers du patronyme du fondateur du Front national », ajoute-t-il toutefois.
Au delà des questions de sémantique, pour Algalarrondo, cette méfiance des « bobos » envers les « beaufs » est bien la porte ouverte à toutes les dérives. « En privilégiant les immigrés sur les autres catégories populaires, la ‘gauche bobo’ suggère que les ‘petits Blancs’ constituent la lie de la société française. Comment se dire de gauche (…) et cautionner pareil racisme social ? » (page 145). Les bobos, toujours prêts à voir le racisme partout, en prennent pour leur grade.
UNE LEÇON POUR LE NOUVEL OBS ?
Plus qu’un pamphlet contre les positions du PS sur les questions de société, ce livre est donc un réquisitoire politique contre cette gauche social-libérale, embourgeoisée, vantant l’ouverture des frontières, rejetant le protectionnisme, pour qui le travailleur n’a de valeur que s’il est sans-papiers. Autre icône de la gauche bobo, Edwy Plenel, qui voit Laurent Blanc comme le nouveau Comte de Gobineau, fait aussi partie des cibles de l’auteur.
Au final, on a envie d'offrir le livre d'Algalarrondo à la direction du Nouvel Obs, incarnation par excellence, avec Libération ou les Inrocks, de cette gauche boboïsée, tant du point de vue de son lectorat que de sa ligne éditoriale. Pour l'anecdote, le Nouvel Obs est également partenaire de Terra Nova, la think tank auteur de la note appelant la gauche à rompre avec les ouvriers. Le magazine de Laurent Joffrn (ex-patron de... Libération) est décidément bien ancré dans la mouvance bobo.
La gauche et la préférence immigrée est donc un livre d’autant plus salutaire qu’il vient d’un journaliste d’un des plus éminents magazines du courant politique dénoncé, ce qui le rend sans doute plus légitime pour provoquer un choc interne. Mais le chemin est encore très long. Espérons toutefois que Laurent Joffrin y trouve une source d’inspiration pour ses prochains éditos.
Hervé Algalarrondo, La gauche et la préférence immigrée, éditions Plon, collection Tribune Libre.
Dans son dernier livre, le journaliste Hervé Algalarrondo dénonce le fait que la gauche ait abandonné la classe ouvrière au profit des immigrés. Une stratégie politique qui symbolise la « boboïsation » d'une gauche en rupture avec le peuple.
Mais que fait Hervé Algalarrondo au Nouvel Obs ? C’est la question qui réside à la lecture de son dernier livre La gauche et la préférence immigrée tant son contenu paraît éloigné de la ligne du magazine phare de la gauche bobo. Sa thèse : cette gauche a abandonné les ouvriers, qu’elle voit comme des réactionnaires séduits par le FN, au profit des immigrés devenus les nouveaux damnés de la Terre. Pourtant, malgré l’émergence du problème des banlieues et des discriminations, les classes populaires sont toujours aussi précaires, elles vivent reléguées dans les espaces ruraux ou péri-urbains, (comme le souligne le géographe Christophe Guilluy, cité dans le livre) sans émouvoir grand monde sur les terrasses du 3e arrondissement de Paris.
Le livre d’Algalarrondo illustre à merveille une mutation politique. Au PS, à la représentation des ouvriers dans les instances de direction du parti, on préfère celle des « personnes issues de la diversité », SOS Racisme devient l'association de référence, le PCF et les syndicats déclinent, les mouvements étudiants, féministes, remplacent le mouvement ouvrier. La « préférence immigrée » n'est que la conséquence de la rupture de la gauche en général et du PS en particulier avec le peuple.
Pour l’auteur du livre, cette rupture s’explique notamment à travers le mouvement de mai 68, lorsque les syndicats ont négocié les accords de Grenelle et cessé le mouvement contre la position des étudiants les plus radicaux. Daniel Cohn-Bendit, ex-leader de Mai 68 devenu porte-étendard de la gauche libérale et libertaire (et chouchou du Nouvel Obs), en est le parfait exemple. De même, l’émergence du « je » et d’un individualisme pervers a entrainé « une suspicion excessive envers ce que l’on nommait naguère les ‘masses’ » (page 117) et une rupture avec la fierté nationale au profit de l’image du « citoyen du monde ».
LE PIÈGE DES SANS-PAPIERS
Par ricochets, la figure du « beauf » s’est développée au sein de la gauche, comme symbole du prolétaire, forcément réactionnaire, raciste et blanc. Mais au lieu de chercher à se réconcilier avec les ouvriers, la gauche a préféré se trouver une nouvelle clientèle. La fameuse note de Terra Nova (dézinguée par Algalarrondo), appelant la gauche à abandonner les ouvriers, devenus trop réactionnaires, au profit des immigrés n’a fait que acter un long processus.
Pour l’auteur, un des principaux exemples de cette « préférence immigrée » est bien sûr la question des sans-papiers. Il explique que même si, en apparence, le PS a un discours plus ferme à ce sujet, il reste toujours sous la pression d’une gauche radicale, partisane de la régularisation de tous les sans-papiers. Et d’une manière générale, c’est la « droit-de-l’hommisation de l’immigration » qui est dénoncée par Algalarrondo, qui est, on le rappelle, journaliste au Nouvel Observateur et non à Rivarol. Comme quoi, au sein de la gauche, certains savent regarder les choses en face.
Car l’auteur estime que la question des droits de l’Homme n’est pas forcément la plus pertinente pour aborder les flux migratoires, il faut encore s’interroger sur les conséquences de l’immigration sur les salariés locaux les plus vulnérables. Algalarrondo note avec justesse que le rôle du vrai humaniste « devrait être de donner du boulot aux travailleurs déjà présents dans l’Hexagone, quelle que soit leur date d’arrivée » plutôt que d’ouvrir les frontières au tout venant. (page 37). On ne peut réclamer la libre circulation des immigrés, si on n'est pas capable d'intégrer notamment par le travail les immigrés déjà présents, rappelle l’auteur. Dommage qu’une partie de la gauche ait oublié cette évidence.
LA « DROIT-DE-L’HOMMISATION DE L’IMMIGRATION »
En cela, Algalarrondo rappelle qu'« admettre toujours plus d'étrangers, sans réel contrôle, est dans ces conditions irresponsable ». Car si « les nouveaux arrivants trouvent un travail, parfois très pénible, (...) c'est souvent au détriment de postulants hexagonaux sans formation particulière » (page 28). Ainsi, réclamer la régularisation de tous les sans-papiers serait un « mot d'ordre anti-ouvriers ».
Le combat pour les sans-papiers est donc une parfaite illustration de ce changement de clientèle. On défend l'ouverture des frontières au détriments de l'emploi des classes populaires. Très pertinent, l’auteur note d'ailleurs que les meilleurs partisans de l’ouverture des frontières sont ceux qui ont les postes les plus à l’abri de la concurrence des immigrés : « Ceux qui militent dans des associations de défense des droits de l’Homme exercent souvent des métiers – fonctionnaires, médecins, avocats – qui sont loin d’être complètement ‘ouverts’. Ils sont protégés de la concurrence étrangère » (page 89).
La conclusion est cinglante : « Les conseillers ne sont pas les payeurs. Quand la gauche d’en haut clame que la France doit rester un pays ‘ouvert’, il faut comprendre : la Seine-Saint-Denis et les zones assimilées peuvent accueillir davantage d’immigrés. Pas terrible cette générosité » (pages 88-89). Certains militants, prompts à réclamer la venue d’une concurrence déloyale pour les emplois des autres et installée dans les beaux quartiers de Paris grâce aux judicieux articles immobiliers du Nouvel Obs, ont dû sentir leurs oreilles chauffer.
« L’IMMIGRATION À GOGO, C’EST UN CREDO DE BOBOS »
Ceux qui ont intérêt à une immigration massive ne sont donc pas ceux que l'on croît. On oublie trop souvent qu’un des meilleurs supporters de l’ouverture des frontières n'est autre que le Medef, ravi d’avoir à disposition une main d’œuvre moins chère et non syndiquée. L'auteur le souligne, il est risible de voir une partie de la gauche partager les même vues que le grand patronat. La lutte des classes n'aura pas survécu à l'ode à la diversité. Un regret cependant : l’auteur soutient les politiques de discrimination positive, notamment l’ « initiative bienvenue » du programme ZEP à Sciences po, qui relève pourtant plus de la démagogie que d’un réel souci de progrès social.
Malgré tout, la thèse reste juste et frappe la gauche là où il faut. Et pour aggraver son cas, Algalarrondo donne (en partie) raison à… Claude Guéant, horresco referens : « La proposition faite par Guéant de limiter l’immigration légale, pour faciliter l’intégration des immigrés déjà présents, n’a en soit rien de choquant » arguant que « l’immigration à gogo, c’est un credo de bobos » (page 39). Pire, l’auteur écrit sur le même sujet : « Ce qui est choquant, en l’occurrence, c’est que Nicolas Sarkozy n’ait pas mis en œuvre cette mesure dès le début de son quinquennat ». Attaquer Sarkozy sur son incapacité à réguler les flux migratoires plutôt sur ses atteintes aux droits de l'Homme, une chose que le PS n'a jamais su faire.
« LEPÉNISME À REBOURS »
Algalarrondo s’en prend donc à tout un pan de la gauche parlant même de « prolophobie » à son égard. Une façon courageuse de dire que le rejet de la gauche vis à vis des prolétaires non immigrés n’est ni plus ni moins qu’une discrimination, pas plus acceptable que la « préférence nationale » du FN. « La ‘préférence nationale’, martelée par le FN, est fondée sur la xénophobie. La ‘préférence immigrée’ est l’envers de la ‘prolophobie’ qui a saisi les élites de la gauche » (pages 12), écrit-il.
En cela, le journaliste explique que « la prolophobie a un pendant : la xénophilie. Naturellement, elle est très préférable à la xénophobie. Elle n’en est pas moins le signe d’une discrimination, c’est le mot qui convient, dans l’attitude de la gauche à l’égard des classes populaires ». (page 22). Il va même jusqu'à évoquer un « lepénisme à rebours ». « En qualifiant de lepénisme à rebours, la propension de la 'gauche bobo' à privilégier les immigrés, parmi les différentes classes populaires, nous ne cherchons pas à choquer. La gauche n'a rien à gagner à user à tort et à travers du patronyme du fondateur du Front national », ajoute-t-il toutefois.
Au delà des questions de sémantique, pour Algalarrondo, cette méfiance des « bobos » envers les « beaufs » est bien la porte ouverte à toutes les dérives. « En privilégiant les immigrés sur les autres catégories populaires, la ‘gauche bobo’ suggère que les ‘petits Blancs’ constituent la lie de la société française. Comment se dire de gauche (…) et cautionner pareil racisme social ? » (page 145). Les bobos, toujours prêts à voir le racisme partout, en prennent pour leur grade.
UNE LEÇON POUR LE NOUVEL OBS ?
Plus qu’un pamphlet contre les positions du PS sur les questions de société, ce livre est donc un réquisitoire politique contre cette gauche social-libérale, embourgeoisée, vantant l’ouverture des frontières, rejetant le protectionnisme, pour qui le travailleur n’a de valeur que s’il est sans-papiers. Autre icône de la gauche bobo, Edwy Plenel, qui voit Laurent Blanc comme le nouveau Comte de Gobineau, fait aussi partie des cibles de l’auteur.
Au final, on a envie d'offrir le livre d'Algalarrondo à la direction du Nouvel Obs, incarnation par excellence, avec Libération ou les Inrocks, de cette gauche boboïsée, tant du point de vue de son lectorat que de sa ligne éditoriale. Pour l'anecdote, le Nouvel Obs est également partenaire de Terra Nova, la think tank auteur de la note appelant la gauche à rompre avec les ouvriers. Le magazine de Laurent Joffrn (ex-patron de... Libération) est décidément bien ancré dans la mouvance bobo.
La gauche et la préférence immigrée est donc un livre d’autant plus salutaire qu’il vient d’un journaliste d’un des plus éminents magazines du courant politique dénoncé, ce qui le rend sans doute plus légitime pour provoquer un choc interne. Mais le chemin est encore très long. Espérons toutefois que Laurent Joffrin y trouve une source d’inspiration pour ses prochains éditos.
Hervé Algalarrondo, La gauche et la préférence immigrée, éditions Plon, collection Tribune Libre.
samedi 24 septembre 2011
la "préférence immigrée" a remplacé la préférence ouvrière
Immigration: les silences de la gauche
Par Ivan Rioufol
Chut ! Pour la gauche, les problèmes posés par l'immigration de masse restent un non sujet. Les candidats à la primaire socialiste, qui débattaient mollement jeudi dernier sur France 2, n'en ont pas dit un mot, en trois heures. Dominique Strauss-Kahn, dimanche soir sur TF1, a conclu son auto-promotion par un plaidoyer pour une immigration destinée à sauver "nos pays (qui) deviendront trop vieux". La gauche radicale, qui parle comme le Medef de Laurence Parisot, persiste à réclamer la régularisation de tous les clandestins. Les sondages montrent que ceux qui, du côté de la droite honteuse, tiennent sur ce sujet les propos les plus lénifiants - Dominique de Villepin, Jean-Louis Borloo, Hervé Morin - s'éloignent progressivement des Français dont ils assurent pourtant vouloir aller à leur rencontre. Quant à l'UMP, qui vient de sortir, hier, son intéressante proposition d'"allégeance aux armes" visant à ressouder les jeunes citoyens autour de la nation et de la patrie, elle donne souvent le sentiment de courir après Marine Le Pen. Bref, les interdits du politiquement correct et de son idéologie antiraciste empêchent encore de renverser le super-tabou.
Aussi n'est-ce pas le moindre des mérites d'Hervé Algalarrondo, journaliste au Nouvel Observateur, de s'attaquer à la question en mettant la gauche immigrationniste , xénophile et prolophobe devant ses contradictions, dans un livre titré : "La gauche et la préférence immigrée" (Plon). Si Algalarrondo se garde d'aller au bout de sa démonstration, qui aurait dû l'amener à s'interroger aussi sur le statut de religion privilégiée qu'a su décrocher l'islam en France, il dénonce néanmoins le choix de son camp, gauche radicale et gauche socialiste réunies, qui a oublié la classe ouvrière. Il écrit : "En direction des plus défavorisés, la "préférence immigrée" a remplacé la préférence ouvrière". Et encore : "Par mauvaise conscience vis-à-vis de la colonisation, l'intelligentsia de gauche prône une sorte de colonisation à l'envers". Pour mon confrère, la "préférence immigrée" peut s'analyser comme une forme de lepénisme à rebours". Il rappelle l'absurdité du rapport de Terra Nova, think tank proche de DSK, qui conseille d'abandonner l'électorat populaire au profit de la nouvelle France des cités.
Comment s'étonner, dans ces conditions, de voir les ouvriers passer au FN ? Un sondage Ifop d'avril 2011 avait mesuré l'audience de Mélenchon et Besancenot dans la perspective de 2012 : le premier recueillait 2% des voix ouvrières, le second 1%. Marine Le Pen était créditée, elle, de 36% des voix des prolos. La gauche a-t-elle décidé d'abandonner le peuple au FN? (...)
Par Ivan Rioufol
Chut ! Pour la gauche, les problèmes posés par l'immigration de masse restent un non sujet. Les candidats à la primaire socialiste, qui débattaient mollement jeudi dernier sur France 2, n'en ont pas dit un mot, en trois heures. Dominique Strauss-Kahn, dimanche soir sur TF1, a conclu son auto-promotion par un plaidoyer pour une immigration destinée à sauver "nos pays (qui) deviendront trop vieux". La gauche radicale, qui parle comme le Medef de Laurence Parisot, persiste à réclamer la régularisation de tous les clandestins. Les sondages montrent que ceux qui, du côté de la droite honteuse, tiennent sur ce sujet les propos les plus lénifiants - Dominique de Villepin, Jean-Louis Borloo, Hervé Morin - s'éloignent progressivement des Français dont ils assurent pourtant vouloir aller à leur rencontre. Quant à l'UMP, qui vient de sortir, hier, son intéressante proposition d'"allégeance aux armes" visant à ressouder les jeunes citoyens autour de la nation et de la patrie, elle donne souvent le sentiment de courir après Marine Le Pen. Bref, les interdits du politiquement correct et de son idéologie antiraciste empêchent encore de renverser le super-tabou.
Aussi n'est-ce pas le moindre des mérites d'Hervé Algalarrondo, journaliste au Nouvel Observateur, de s'attaquer à la question en mettant la gauche immigrationniste , xénophile et prolophobe devant ses contradictions, dans un livre titré : "La gauche et la préférence immigrée" (Plon). Si Algalarrondo se garde d'aller au bout de sa démonstration, qui aurait dû l'amener à s'interroger aussi sur le statut de religion privilégiée qu'a su décrocher l'islam en France, il dénonce néanmoins le choix de son camp, gauche radicale et gauche socialiste réunies, qui a oublié la classe ouvrière. Il écrit : "En direction des plus défavorisés, la "préférence immigrée" a remplacé la préférence ouvrière". Et encore : "Par mauvaise conscience vis-à-vis de la colonisation, l'intelligentsia de gauche prône une sorte de colonisation à l'envers". Pour mon confrère, la "préférence immigrée" peut s'analyser comme une forme de lepénisme à rebours". Il rappelle l'absurdité du rapport de Terra Nova, think tank proche de DSK, qui conseille d'abandonner l'électorat populaire au profit de la nouvelle France des cités.
Comment s'étonner, dans ces conditions, de voir les ouvriers passer au FN ? Un sondage Ifop d'avril 2011 avait mesuré l'audience de Mélenchon et Besancenot dans la perspective de 2012 : le premier recueillait 2% des voix ouvrières, le second 1%. Marine Le Pen était créditée, elle, de 36% des voix des prolos. La gauche a-t-elle décidé d'abandonner le peuple au FN? (...)
vendredi 23 septembre 2011
« T'es arabe et tu sors avec une Noire ? T'as pété les plombs ! »
Amine, franco-marocain, aime Sadio, franco-malienne. Dans leur cité, l'intolérance de leurs familles les oblige à cacher leur relation.
Au départ, Amine n'avait pas exigé l'anonymat. Aucun souci pour le prénom, ni même pour la photo. Et puis, quelques jours avant notre rencontre, il s'est rétracté. Je lui avais proposé Youssef, il a préféré Amine.
En fait, le jeune fonctionnaire franco-marocain, presque la trentaine, n'a rien à cacher, si ce n'est sa relation avec Sadio, de cinq ans sa cadette et Franco-Malienne. Un Arabe et une Noire amoureux. Pour leurs familles respectives, quelque chose d'impensable.
Vivons cachés, vivons malheureux
Amine et Sadio vivent dans le même quartier, aimeraient se fiancer mais ne se tiennent jamais la main en public et, pour se voir le soir, se retrouvent sur un parking, « au cas où ». Au cas où quelqu'un de leur entourage venait à les surprendre, les juger et vendre la mèche. Quand je lui demande quelles seraient les conséquences, il prend un temps de réflexion : « Un gros tas d'embrouilles, parce qu'on a franchi la limite. »
Amine n'a pas vraiment l'habitude de parler de lui. Il est gêné, et insiste à plusieurs reprises pour que je ne déforme pas ses propos. Parfois, il scrute ma feuille :
« Je ne veux surtout pas dire que le racisme entre Arabes et Noirs est systématique. C'est absolument faux. Je dis juste que Sadio et moi, nous avons des familles très communautaristes et que notre cas n'est pas unique. »
Et puis, il se met à rire : « J'ai l'impression de confesser un meurtre ou de tromper ma femme. »
« S'ils savent que tu vois un Rebeu, les parents vont te tuer »
Amine et Sadio ont toujours habité dans leur cité yvelinoise. Mais depuis deux ans, les statuts ont changé. De « petite de ma cité » autrefois, elle est désormais « sa femme ». A l'époque, Sadio vient tout juste de commencer à travailler dans le fast-food dans lequel Amine est déjà un taulier. Ils bossent ensemble, rentrent ensemble et un soir, s'embrassent dans une cage d'escaliers sans lumière. Les souvenirs sont précis.
Au fil des messages, ils se disent « je t'aime ». Dans l'euphorie, Amine se souvient d'avoir appelé Atef, son meilleur ami, stupéfait :
« Tu sors avec une Renoi [Noire, ndlr] ? Mais t'as pété les plombs ? ! »
Même son de cloche chez Sadio, qui raconte tout à sa grande sœur :
« Si papa et maman savent que tu vois un Rebeu [Arabe, ndlr], ils vont te tuer. »
Je lui demande quelques détails sur Atef. Il me répond simplement qu'il a été éduqué comme lui, selon des principes bien précis, qui s'apparentent en définitive à des dogmes :
« Les Arabes et les Noirs vivent ensemble dans les blocs, s'apprécient. Mais la limite, c'est l'amitié. Un mariage, c'est niet. Chacun à sa place. »
Une posture paradoxale qui, pour Amine, est beaucoup plus complexe que du racisme – un mot qu'il refuse d'ailleurs de prononcer.
« Ça va au-delà d'une religion ou d'une couleur de peau »
Il allume une cigarette et me raconte l'histoire de sa grande sœur :
« Un soir, elle annonce à table qu'elle voit quelqu'un. La première question de ma mère est : “De quelle origine est-il ? ” “Algérien” ! Là, mes parents lui disent que c'est non, et qu'il faudrait qu'elle trouve un Marocain pour son bien. »
Nouveau paradoxe : « Certaines des amies de ma mère sont algériennes. Ma sœur n'a pas compris. » Elle finit par se résigner, à contrecœur. Du racisme, du communautarisme, des traditions, le qu'en-dira-t-on. Pour Brahim, son cousin qui nous rejoint, l'un des rares au courant pour Sadio et Amine, un complexe de supériorité aussi :
« Certains anciens de chez nous pensent que leur communauté vaut mieux que l'autre. Genre un Noir est mieux qu'un Arabe ou l'inverse, qu'un Algérien est mieux qu'un Marocain. Ils transmettent ça à leurs enfants. Ça va au-delà d'une religion ou d'une couleur de peau. »
Amine le coupe :
« Faut dire aussi que dans nos bleds, il y a certains préjugés. Au Maroc, l'Afrique noire renvoie parfois à des choses négatives. La pauvreté, la maladie et même, pour certains, l'esclavage. Même si tout le monde s'en fiche ici, ils ont peur de ce que la famille et les amis là-bas diraient. »
Dans un nuage de fumée, Amine me dit que se cacher plombe de plus en plus sa relation. Un côté absurde, complètement décalé. Deux ans à se planquer, quitte à faire une heure de route pour manger au restaurant. Brahim le taquine : « Dis-leur que tu es gay, ils accepteront n'importe qui après ça. » Fou rire, et aveu : « Tu me crois, j'y ai pensé ! ».
Il n'imagine pas une seule seconde se fiancer ou se marier sans l'aval de ses parents. Elle non plus d'ailleurs. Pas question de fuir, ou de les mettre devant le fait accompli comme certains leur ont conseillé, parce qu'« ils n'envisagent pas le bonheur d'une union sans leurs familles respectives ».
Mais impossible de trouver le courage d'en parler. Parfois, Amine se donne des délais pour franchir le pas. Dans quelques semaines, dans un mois, dès qu'il touchera sa prime… Le moment venu, les mots lui manquent. La peur du « non » et du conflit qu'il engendrerait ensuite. « La prise de tête ».
Je ne l'interroge plus. Je lui laisse la parole. Il me confie qu'il se déçoit et qu'à bientôt 30 ans, il devrait assumer. Pour lui, mais aussi pour ses parents. Pour qu'ils changent. Pour qu'ils s'ouvrent. Il n'y arrive pas. La peur de les décevoir.
Mariage mixte, salle des fêtes à moitié vide
Un soir, son grand frère revient d'un mariage, celui de Nawel, la Marocaine et Abou, le Guinéen. Beaucoup de cartes d'invitation, mais une salle des fêtes à moitié vide. « Bah ! C'est normal aussi, qu'est-ce qui lui a pris de se marier avec un Renoi ? », lui lance-t-il. Les familles respectives ont boycotté la cérémonie.
Amine aurait dû répondre à son frère pour défendre sa cause, mais ne l'a pas fait. Pire, il n'a pas bronché, même dans la surenchère : « J'aimerais pas être à la place des parents de Nawel. » Après un bref silence, Amine reprend :
« Il n'en pense pas un mot. Il a juste imprimé le truc comme quelque chose de normal. »
J'aborde la question des parents de Sadio. Il est un peu réticent à en parler. J'insiste. Il me raconte qu'il ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'eux non plus ne sont pas disposés à accepter un métissage.
La jeune fille a refusé de me parler. Par timidité, mais aussi parce qu'elle n'a pas envie de dire du mal de ses parents. Car pour elle, les choses sont encore plus compliquées :
« Si elle ne ramène pas quelqu'un à la maison, j'ai peur que ses parents ne commencent à lui forcer la main. Toutes ses sœurs, même les deux petites, sont mariées. »
Cet été, elle a évoqué avec sa mère l'hypothèse d'un métissage. Vaguement. Fin de non-recevoir. Sa mère se met en colère, sans vraiment avoir saisi le sens de ce que lui disait sa fille. Elles sont en décalage.
« Elle lui a dit : “Pas de Sénégalais, pas de Congolais et encore moins d'Antillais. Un Malien, c'est tout.” Chrétien, juif, musulman mais un Malien. Si elle savait que sa fille était avec un Arabe… » raconte Amine, avant de renchérir :
« Même si je me mariais avec Sadio, ça resterait communautaire. On vient du même quartier, du même continent, on a la même religion. »
Avant de s'en aller, il jure qu'il me recontactera, cette fois-ci pour me dire qu'il a osé.
Brahim, lui, voit ça d'un œil détaché, presque lointain. Son père est aussi marocain, mais sa mère sénégalaise. Ils se sont mariés au début des années 70 à Paris, « sans aucun problème ». Ni ici, ni là-bas. Alors, au moment de leur présenter Cécile, franco-laotienne, Brahim n'a pas eu de questions à se poser.
http://www.rue89.com/2011/09/22/tes-arabe-et-tu-sors-avec-une-noire-tas-pete-les-plombs-222733
Au départ, Amine n'avait pas exigé l'anonymat. Aucun souci pour le prénom, ni même pour la photo. Et puis, quelques jours avant notre rencontre, il s'est rétracté. Je lui avais proposé Youssef, il a préféré Amine.
En fait, le jeune fonctionnaire franco-marocain, presque la trentaine, n'a rien à cacher, si ce n'est sa relation avec Sadio, de cinq ans sa cadette et Franco-Malienne. Un Arabe et une Noire amoureux. Pour leurs familles respectives, quelque chose d'impensable.
Vivons cachés, vivons malheureux
Amine et Sadio vivent dans le même quartier, aimeraient se fiancer mais ne se tiennent jamais la main en public et, pour se voir le soir, se retrouvent sur un parking, « au cas où ». Au cas où quelqu'un de leur entourage venait à les surprendre, les juger et vendre la mèche. Quand je lui demande quelles seraient les conséquences, il prend un temps de réflexion : « Un gros tas d'embrouilles, parce qu'on a franchi la limite. »
Amine n'a pas vraiment l'habitude de parler de lui. Il est gêné, et insiste à plusieurs reprises pour que je ne déforme pas ses propos. Parfois, il scrute ma feuille :
« Je ne veux surtout pas dire que le racisme entre Arabes et Noirs est systématique. C'est absolument faux. Je dis juste que Sadio et moi, nous avons des familles très communautaristes et que notre cas n'est pas unique. »
Et puis, il se met à rire : « J'ai l'impression de confesser un meurtre ou de tromper ma femme. »
« S'ils savent que tu vois un Rebeu, les parents vont te tuer »
Amine et Sadio ont toujours habité dans leur cité yvelinoise. Mais depuis deux ans, les statuts ont changé. De « petite de ma cité » autrefois, elle est désormais « sa femme ». A l'époque, Sadio vient tout juste de commencer à travailler dans le fast-food dans lequel Amine est déjà un taulier. Ils bossent ensemble, rentrent ensemble et un soir, s'embrassent dans une cage d'escaliers sans lumière. Les souvenirs sont précis.
Au fil des messages, ils se disent « je t'aime ». Dans l'euphorie, Amine se souvient d'avoir appelé Atef, son meilleur ami, stupéfait :
« Tu sors avec une Renoi [Noire, ndlr] ? Mais t'as pété les plombs ? ! »
Même son de cloche chez Sadio, qui raconte tout à sa grande sœur :
« Si papa et maman savent que tu vois un Rebeu [Arabe, ndlr], ils vont te tuer. »
Je lui demande quelques détails sur Atef. Il me répond simplement qu'il a été éduqué comme lui, selon des principes bien précis, qui s'apparentent en définitive à des dogmes :
« Les Arabes et les Noirs vivent ensemble dans les blocs, s'apprécient. Mais la limite, c'est l'amitié. Un mariage, c'est niet. Chacun à sa place. »
Une posture paradoxale qui, pour Amine, est beaucoup plus complexe que du racisme – un mot qu'il refuse d'ailleurs de prononcer.
« Ça va au-delà d'une religion ou d'une couleur de peau »
Il allume une cigarette et me raconte l'histoire de sa grande sœur :
« Un soir, elle annonce à table qu'elle voit quelqu'un. La première question de ma mère est : “De quelle origine est-il ? ” “Algérien” ! Là, mes parents lui disent que c'est non, et qu'il faudrait qu'elle trouve un Marocain pour son bien. »
Nouveau paradoxe : « Certaines des amies de ma mère sont algériennes. Ma sœur n'a pas compris. » Elle finit par se résigner, à contrecœur. Du racisme, du communautarisme, des traditions, le qu'en-dira-t-on. Pour Brahim, son cousin qui nous rejoint, l'un des rares au courant pour Sadio et Amine, un complexe de supériorité aussi :
« Certains anciens de chez nous pensent que leur communauté vaut mieux que l'autre. Genre un Noir est mieux qu'un Arabe ou l'inverse, qu'un Algérien est mieux qu'un Marocain. Ils transmettent ça à leurs enfants. Ça va au-delà d'une religion ou d'une couleur de peau. »
Amine le coupe :
« Faut dire aussi que dans nos bleds, il y a certains préjugés. Au Maroc, l'Afrique noire renvoie parfois à des choses négatives. La pauvreté, la maladie et même, pour certains, l'esclavage. Même si tout le monde s'en fiche ici, ils ont peur de ce que la famille et les amis là-bas diraient. »
Dans un nuage de fumée, Amine me dit que se cacher plombe de plus en plus sa relation. Un côté absurde, complètement décalé. Deux ans à se planquer, quitte à faire une heure de route pour manger au restaurant. Brahim le taquine : « Dis-leur que tu es gay, ils accepteront n'importe qui après ça. » Fou rire, et aveu : « Tu me crois, j'y ai pensé ! ».
Il n'imagine pas une seule seconde se fiancer ou se marier sans l'aval de ses parents. Elle non plus d'ailleurs. Pas question de fuir, ou de les mettre devant le fait accompli comme certains leur ont conseillé, parce qu'« ils n'envisagent pas le bonheur d'une union sans leurs familles respectives ».
Mais impossible de trouver le courage d'en parler. Parfois, Amine se donne des délais pour franchir le pas. Dans quelques semaines, dans un mois, dès qu'il touchera sa prime… Le moment venu, les mots lui manquent. La peur du « non » et du conflit qu'il engendrerait ensuite. « La prise de tête ».
Je ne l'interroge plus. Je lui laisse la parole. Il me confie qu'il se déçoit et qu'à bientôt 30 ans, il devrait assumer. Pour lui, mais aussi pour ses parents. Pour qu'ils changent. Pour qu'ils s'ouvrent. Il n'y arrive pas. La peur de les décevoir.
Mariage mixte, salle des fêtes à moitié vide
Un soir, son grand frère revient d'un mariage, celui de Nawel, la Marocaine et Abou, le Guinéen. Beaucoup de cartes d'invitation, mais une salle des fêtes à moitié vide. « Bah ! C'est normal aussi, qu'est-ce qui lui a pris de se marier avec un Renoi ? », lui lance-t-il. Les familles respectives ont boycotté la cérémonie.
Amine aurait dû répondre à son frère pour défendre sa cause, mais ne l'a pas fait. Pire, il n'a pas bronché, même dans la surenchère : « J'aimerais pas être à la place des parents de Nawel. » Après un bref silence, Amine reprend :
« Il n'en pense pas un mot. Il a juste imprimé le truc comme quelque chose de normal. »
J'aborde la question des parents de Sadio. Il est un peu réticent à en parler. J'insiste. Il me raconte qu'il ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'eux non plus ne sont pas disposés à accepter un métissage.
La jeune fille a refusé de me parler. Par timidité, mais aussi parce qu'elle n'a pas envie de dire du mal de ses parents. Car pour elle, les choses sont encore plus compliquées :
« Si elle ne ramène pas quelqu'un à la maison, j'ai peur que ses parents ne commencent à lui forcer la main. Toutes ses sœurs, même les deux petites, sont mariées. »
Cet été, elle a évoqué avec sa mère l'hypothèse d'un métissage. Vaguement. Fin de non-recevoir. Sa mère se met en colère, sans vraiment avoir saisi le sens de ce que lui disait sa fille. Elles sont en décalage.
« Elle lui a dit : “Pas de Sénégalais, pas de Congolais et encore moins d'Antillais. Un Malien, c'est tout.” Chrétien, juif, musulman mais un Malien. Si elle savait que sa fille était avec un Arabe… » raconte Amine, avant de renchérir :
« Même si je me mariais avec Sadio, ça resterait communautaire. On vient du même quartier, du même continent, on a la même religion. »
Avant de s'en aller, il jure qu'il me recontactera, cette fois-ci pour me dire qu'il a osé.
Brahim, lui, voit ça d'un œil détaché, presque lointain. Son père est aussi marocain, mais sa mère sénégalaise. Ils se sont mariés au début des années 70 à Paris, « sans aucun problème ». Ni ici, ni là-bas. Alors, au moment de leur présenter Cécile, franco-laotienne, Brahim n'a pas eu de questions à se poser.
http://www.rue89.com/2011/09/22/tes-arabe-et-tu-sors-avec-une-noire-tas-pete-les-plombs-222733
jeudi 15 septembre 2011
Il n'y a pas que les frontistes qui ont une opinion négative de l'immigration
En juin un sondage souligne que 54% des Français ont une opinion négative de l'immigration. Un résultat frappant peu relayé dans les médias qui révèle un profond malaise de la société française vis-à-vis des immigrés. Explications avec Christophe Guilluy, géographe et auteur de "Fractures françaises".
Un sondage IPSOS publié en juin dernier et réalisé dans 23 pays européens n’a donné lieu à aucun commentaire. Les résultats sont pourtant révélateurs du malaise des sociétés européennes et singulièrement de la société française. Ainsi, personne n’a évoqué le fait qu’aujourd’hui 54% des Français ont une opinion négative de l’immigration.
Ce décalage entre le traitement médiatique et des résultats aussi impressionnants illustre l’évitement d’un sujet qui est pourtant un des moteurs de la recomposition politique à l’œuvre sur le continent européen. Il est en effet compliqué pour les politiques d’évoquer les résultats de ce sondage. Cette enquête a été réalisée dans 23 pays dont les modèles de société sont très différents et pourtant, le malaise semble être le même partout.
Une majorité de Français pense qu'il y a trop d'immigrés
Quel que soit le type de société, "anglo-saxon-communautariste" ou "républicaine française", les résultats sont à peu près les mêmes. Partout une majorité absolue pense "qu’il y a trop d’immigrés, que leur proportion n’a cessé d’augmenter et que l’immigration est globalement négative pour leur pays". Comment ne pas prendre en compte ces résultats pour expliquer les évolutions politiques du continent et singulièrement de la montée des partis populistes ?
Le débat sur de la "droitisation" ou l’explication du phénomène par le "vieillissement" de la population européenne éludent l’essentiel : l’immigration. Si le contexte économique favorise évidemment ces tendances, cela n’explique pas tout. Il apparaît en effet que les différences de niveau de vie, de fécondité, de cultures ou d’organisation politique entre pays européens n’influencent qu’à la marge la perception de l’immigration. Assiste t-on alors à un basculement idéologique dont l’aboutissement serait la prise du pouvoir des partis populistes en Europe et du Front National en France ? Rien n’est moins sûr.
Le bobo parisien et l'électeur FN ont des comportements parfois similaires
En effet, contrairement aux idées reçues, l’indicateur FN n’est peut-être pas le bon pour mesurer l’importance du phénomène. En réalité, plutôt que de s’intéresser à ce que disent ou expriment politiquement les gens, il faut s’intéresser à ce qu’ils font depuis vingt ans. Les pratiques d’évitement résidentiel et/ou scolaires permettent ainsi de mesurer avec plus d’efficacité le niveau de tolérance des individus à l’immigration. Il apparaît alors que face à l’émergence de la société multiculturelle, les individus cherchent dans leur majorité à ériger des frontières visibles ou invisibles ; et ce quel que soit leur opinion politique affichée. Le séparatisme social et culturel est pratiqué par une majorité de français.
Le bobo parisien qui vote à gauche et contourne la carte scolaire s’inscrit ainsi dans la même démarche que le prolétaire à Hénin-Baumont qui vote Le Pen. L’un érige lui-même des frontières invisibles par ses choix résidentiel ou scolaire, l’autre, qui n’a pas les moyens de les ériger demande à un pouvoir fort de les mettre en place. Les bobos peuvent ainsi vivre dans des quartiers socialement et ethniquement mixte mais dans des immeubles ethniquement et socialement homogène tout en contournant la carte scolaire.
Les classes populaires qui n’ont pas les moyens de mettre en place ce séparatisme soft, choisissent, quand elles le peuvent, d’habiter à l’écart des quartiers ethnicisés et des villes multiculturelles. Car, et c’est la question essentielle posée par ce sondage, l’émergence de sociétés multiculturelles contribue à une nouvelle insécurité culturelle à laquelle les individus sont plus ou moins exposés selon leur position sociale.
L'immigration, au delà du clivage droite-gauche
La question de l’immigration dépasse le traditionnel clivage gauche-droite. Plus que le racisme, il y a des racistes dans tous les électorats, c’est d’abord la possibilité de mettre en œuvre des protections qui favorisent ou non le vote FN. Avoir ou ne pas avoir "les moyens de la frontière", voilà ce qui différencie les électorats, pas leur perception des flux migratoires. Une perception, qui risque de préoccuper de plus en plus les européens dans les années à venir pour plusieurs raisons.
Dans une société multiculturelle, l’intensification des flux migratoires pose une question majeure à l’ensemble des sociétés européennes et singulièrement à la société française ; une question soigneusement évitée mais qui est à l’origine des nouvelles ségrégations territoriales. Dans une société multiculturelle, et contrairement à l’ancien modèle républicain assimilationniste, "l ‘autre" ne devient pas "soi", il reste "l’autre". Cela ne veut pas dire "l ‘ennemi" ou "l’étranger" mais cela signifie que sur un territoire donné une "majorité" peut devenir "minoritaire". Cette question minorité/majorité est fondamentale.
Les ménages font tout pour vivre dans un environnement familier
Devenir minoritaire sur le territoire où on est né est un choc culturel considérable. Partout en France, et en Europe, cette question de "l’instabilité démographique" a entraîné une recomposition sociale et culturelle des territoires sans précédent. Depuis 20 ans, les ménages font tout pour vivre dans un environnement familier et ce n’est pas quelque chose qui est forcément dit ou exprimé politiquement. Mais c’est quelque chose qui se fait. Toutes les crispations sur l’Islam, perçue comme une culture différente, s’expliquent de la même manière.
Ces crispations sont d’autant plus vives qu’elles sont corrélées avec la question démographique et au sentiment que l’on peut devenir minoritaire sur un territoire où sa culture d’origine n’est plus le référent culturel. Le malaise des opinions européennes est là dans cette forme d’insécurité d’ordre culturelle. Un sentiment partagé par l’ensemble des individus quel que soit leur origine. Par exemple, les bailleurs sociaux de Seine Saint Denis ont aujourd’hui de plus en pus de demandes de la petite bourgeoisie maghrébine pour ne pas être logé dans des immeubles où vivent des familles africaines.
On le voit, tout le monde est logé à la même enseigne et c’est la grande question du multiculturalisme. Il faut savoir si les gens sont capables de vivre en étant culturellement minoritaire. Ce n’est pas une question ethnique, mais bien plus culturelle. Depuis 20 ou 30 ans, on a fait comme si cela n’existait pas. Le discours multiculturaliste est connu, mais il y a une hypocrisie parce que dans ce domaine, les croyants sont rarement les pratiquants. 54% des Français donc estiment que l’immigration est négative pour le pays mais il ne sont que 15 à 20% a voter FN.
Le malaise face à l’émergence de la société multiculturelle dépasse la seule question politique. Il est d’autant plus durable qu’il s’inscrit dans une critique désormais majoritaire de la mondialisation. En juin 2011, 80% des Français étaient en faveur d’un protectionnisme européen. Face à la mondialisation, il apparaît que la question sociale s’articule aussi avec une question culturelle.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/193103;il-n-y-a-pas-que-les-frontistes-qui-ont-une-opinion-negative-de-l-immigration.html
Un sondage IPSOS publié en juin dernier et réalisé dans 23 pays européens n’a donné lieu à aucun commentaire. Les résultats sont pourtant révélateurs du malaise des sociétés européennes et singulièrement de la société française. Ainsi, personne n’a évoqué le fait qu’aujourd’hui 54% des Français ont une opinion négative de l’immigration.
Ce décalage entre le traitement médiatique et des résultats aussi impressionnants illustre l’évitement d’un sujet qui est pourtant un des moteurs de la recomposition politique à l’œuvre sur le continent européen. Il est en effet compliqué pour les politiques d’évoquer les résultats de ce sondage. Cette enquête a été réalisée dans 23 pays dont les modèles de société sont très différents et pourtant, le malaise semble être le même partout.
Une majorité de Français pense qu'il y a trop d'immigrés
Quel que soit le type de société, "anglo-saxon-communautariste" ou "républicaine française", les résultats sont à peu près les mêmes. Partout une majorité absolue pense "qu’il y a trop d’immigrés, que leur proportion n’a cessé d’augmenter et que l’immigration est globalement négative pour leur pays". Comment ne pas prendre en compte ces résultats pour expliquer les évolutions politiques du continent et singulièrement de la montée des partis populistes ?
Le débat sur de la "droitisation" ou l’explication du phénomène par le "vieillissement" de la population européenne éludent l’essentiel : l’immigration. Si le contexte économique favorise évidemment ces tendances, cela n’explique pas tout. Il apparaît en effet que les différences de niveau de vie, de fécondité, de cultures ou d’organisation politique entre pays européens n’influencent qu’à la marge la perception de l’immigration. Assiste t-on alors à un basculement idéologique dont l’aboutissement serait la prise du pouvoir des partis populistes en Europe et du Front National en France ? Rien n’est moins sûr.
Le bobo parisien et l'électeur FN ont des comportements parfois similaires
En effet, contrairement aux idées reçues, l’indicateur FN n’est peut-être pas le bon pour mesurer l’importance du phénomène. En réalité, plutôt que de s’intéresser à ce que disent ou expriment politiquement les gens, il faut s’intéresser à ce qu’ils font depuis vingt ans. Les pratiques d’évitement résidentiel et/ou scolaires permettent ainsi de mesurer avec plus d’efficacité le niveau de tolérance des individus à l’immigration. Il apparaît alors que face à l’émergence de la société multiculturelle, les individus cherchent dans leur majorité à ériger des frontières visibles ou invisibles ; et ce quel que soit leur opinion politique affichée. Le séparatisme social et culturel est pratiqué par une majorité de français.
Le bobo parisien qui vote à gauche et contourne la carte scolaire s’inscrit ainsi dans la même démarche que le prolétaire à Hénin-Baumont qui vote Le Pen. L’un érige lui-même des frontières invisibles par ses choix résidentiel ou scolaire, l’autre, qui n’a pas les moyens de les ériger demande à un pouvoir fort de les mettre en place. Les bobos peuvent ainsi vivre dans des quartiers socialement et ethniquement mixte mais dans des immeubles ethniquement et socialement homogène tout en contournant la carte scolaire.
Les classes populaires qui n’ont pas les moyens de mettre en place ce séparatisme soft, choisissent, quand elles le peuvent, d’habiter à l’écart des quartiers ethnicisés et des villes multiculturelles. Car, et c’est la question essentielle posée par ce sondage, l’émergence de sociétés multiculturelles contribue à une nouvelle insécurité culturelle à laquelle les individus sont plus ou moins exposés selon leur position sociale.
L'immigration, au delà du clivage droite-gauche
La question de l’immigration dépasse le traditionnel clivage gauche-droite. Plus que le racisme, il y a des racistes dans tous les électorats, c’est d’abord la possibilité de mettre en œuvre des protections qui favorisent ou non le vote FN. Avoir ou ne pas avoir "les moyens de la frontière", voilà ce qui différencie les électorats, pas leur perception des flux migratoires. Une perception, qui risque de préoccuper de plus en plus les européens dans les années à venir pour plusieurs raisons.
Dans une société multiculturelle, l’intensification des flux migratoires pose une question majeure à l’ensemble des sociétés européennes et singulièrement à la société française ; une question soigneusement évitée mais qui est à l’origine des nouvelles ségrégations territoriales. Dans une société multiculturelle, et contrairement à l’ancien modèle républicain assimilationniste, "l ‘autre" ne devient pas "soi", il reste "l’autre". Cela ne veut pas dire "l ‘ennemi" ou "l’étranger" mais cela signifie que sur un territoire donné une "majorité" peut devenir "minoritaire". Cette question minorité/majorité est fondamentale.
Les ménages font tout pour vivre dans un environnement familier
Devenir minoritaire sur le territoire où on est né est un choc culturel considérable. Partout en France, et en Europe, cette question de "l’instabilité démographique" a entraîné une recomposition sociale et culturelle des territoires sans précédent. Depuis 20 ans, les ménages font tout pour vivre dans un environnement familier et ce n’est pas quelque chose qui est forcément dit ou exprimé politiquement. Mais c’est quelque chose qui se fait. Toutes les crispations sur l’Islam, perçue comme une culture différente, s’expliquent de la même manière.
Ces crispations sont d’autant plus vives qu’elles sont corrélées avec la question démographique et au sentiment que l’on peut devenir minoritaire sur un territoire où sa culture d’origine n’est plus le référent culturel. Le malaise des opinions européennes est là dans cette forme d’insécurité d’ordre culturelle. Un sentiment partagé par l’ensemble des individus quel que soit leur origine. Par exemple, les bailleurs sociaux de Seine Saint Denis ont aujourd’hui de plus en pus de demandes de la petite bourgeoisie maghrébine pour ne pas être logé dans des immeubles où vivent des familles africaines.
On le voit, tout le monde est logé à la même enseigne et c’est la grande question du multiculturalisme. Il faut savoir si les gens sont capables de vivre en étant culturellement minoritaire. Ce n’est pas une question ethnique, mais bien plus culturelle. Depuis 20 ou 30 ans, on a fait comme si cela n’existait pas. Le discours multiculturaliste est connu, mais il y a une hypocrisie parce que dans ce domaine, les croyants sont rarement les pratiquants. 54% des Français donc estiment que l’immigration est négative pour le pays mais il ne sont que 15 à 20% a voter FN.
Le malaise face à l’émergence de la société multiculturelle dépasse la seule question politique. Il est d’autant plus durable qu’il s’inscrit dans une critique désormais majoritaire de la mondialisation. En juin 2011, 80% des Français étaient en faveur d’un protectionnisme européen. Face à la mondialisation, il apparaît que la question sociale s’articule aussi avec une question culturelle.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/193103;il-n-y-a-pas-que-les-frontistes-qui-ont-une-opinion-negative-de-l-immigration.html
mardi 13 septembre 2011
Ah ouais? Christine Lagarde: "les femmes injectent moins de libido et de testostérone dans l'équation"
(...) La diversité est aujourd'hui partout à l'ordre du jour pour combattre cette sous-représentation. Et dans ce sens, c'est plutôt une excellente nouvelle : des banquières se sont comportées comme des pauvres diables d'hommes lors de la crise des crédits subprimes, de l'envolée des prix de matières premières, comme dans la tourmente de l'euro et de la dette souveraine. Homme ou femme, le profil des responsables de la débâcle est le même : résolution, self-control, aveuglement, cupidité, absence de valeurs morales.
Les exemples sont légion. Le recours systématique au hors-bilan par Erin Callan, directrice financière de Lehman Brothers, a précipité la déroute de la banque d'affaires, le 15 septembre 2008. Amanda Staveley a permis à Barclays d'éviter d'être nationalisée en faisant appel à un impénétrable fonds souverain du Golfe. Antigone Loudiadis de Goldman Sachs a aidé la Grèce à maquiller ses comptes pour lui ouvrir les portes de l'euro. Responsables du trading des matières premières, respectivement chez JP Morgan et Goldman Sachs, Blythe Masters et Isabelle Ealet ont alimenté la flambée des prix des métaux et du pétrole. Présidente de la société de négoce Louis-Dreyfus, Margarita Dreyfus a lié son nom à la spéculation effrénée sur les cours des produits agricoles. Cette liste, qui n'est pas exhaustive, contredit les propos de l'ex-ministre française de l'économie, Christine Lagarde, selon lesquels "les femmes injectent moins de libido et de testostérone dans l'équation" et ne mettent pas leur ego en jeu dans toutes les décisions à prendre. La juriste de formation, aujourd'hui présidente du Fonds monétaire international (FMI), a dirigé le cabinet d'avocats américain Baker & McKenzie de 1999 à 2005. Travaillant main dans la main avec les banques aux côtés des commissaires aux comptes, pour bâtir l'architecture des produits financiers, les grands cabinets anglo-saxons sont les complices bienveillants du gigantesque casino aujourd'hui sur la sellette.
http://lemonde.fr/economie/article/2011/09/13/etre-une-banquiere-c-est-pas-si-facile_1571617_3234.html
Les exemples sont légion. Le recours systématique au hors-bilan par Erin Callan, directrice financière de Lehman Brothers, a précipité la déroute de la banque d'affaires, le 15 septembre 2008. Amanda Staveley a permis à Barclays d'éviter d'être nationalisée en faisant appel à un impénétrable fonds souverain du Golfe. Antigone Loudiadis de Goldman Sachs a aidé la Grèce à maquiller ses comptes pour lui ouvrir les portes de l'euro. Responsables du trading des matières premières, respectivement chez JP Morgan et Goldman Sachs, Blythe Masters et Isabelle Ealet ont alimenté la flambée des prix des métaux et du pétrole. Présidente de la société de négoce Louis-Dreyfus, Margarita Dreyfus a lié son nom à la spéculation effrénée sur les cours des produits agricoles. Cette liste, qui n'est pas exhaustive, contredit les propos de l'ex-ministre française de l'économie, Christine Lagarde, selon lesquels "les femmes injectent moins de libido et de testostérone dans l'équation" et ne mettent pas leur ego en jeu dans toutes les décisions à prendre. La juriste de formation, aujourd'hui présidente du Fonds monétaire international (FMI), a dirigé le cabinet d'avocats américain Baker & McKenzie de 1999 à 2005. Travaillant main dans la main avec les banques aux côtés des commissaires aux comptes, pour bâtir l'architecture des produits financiers, les grands cabinets anglo-saxons sont les complices bienveillants du gigantesque casino aujourd'hui sur la sellette.
http://lemonde.fr/economie/article/2011/09/13/etre-une-banquiere-c-est-pas-si-facile_1571617_3234.html
jeudi 1 septembre 2011
Aux Etats-Unis, les minorités deviennent majoritaires dans huit grandes villes
Dans vingt-deux des cent plus grandes métropoles américaines, les minorités ethniques sont désormais majoritaires, relève le Washington Post. Selon le nouveau recensement, depuis 2000, huit agglomérations ont vu les "Blancs non hispaniques" passer sous la barre des 50 %.
Il s'agit de Memphis, Modesto et Oxnard, en Californie, Las Vegas, Jackson dans le Missouri, San Diego, Washington et New York. Mais selon le Washington Post, la population de Blancs non hispaniques décline dans toutes les grandes agglomérations du pays. Dans la plupart de ces villes où les "Caucasians" sont moins de 50 %, ce sont les Hispaniques qui sont la première ou la deuxième communauté la plus nombreuse.
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