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« Vous avez eu la politique économique qu’il fallait. (..) Votre pays en tire tous les bénéfices. (…) Il y a là pour nous tous de quoi respirer. Ce que vous avez apporté à votre pays, dans un modèle démocratique exemplaire, est exactement ce dont le monde a besoin ». Qui parle ainsi à Michelle Bachelet, la Présidente socialiste du Chili, lors de sa visite en France le 2 juin 2009 ? Réponse : Laurence Parisot, la Présidente du MEDEF.
Zéro pointé en répartition des richesses
Ainsi, va le Chili d’aujourd’hui. Le patronat du monde entier approuve et applaudit la politique qui y est menée et montre ce pays et ses dirigeants comme des exemples. En ce qui concerne le peuple chilien, la situation est un peu plus complexe, voire très différente. En dépit des commentaires élogieux, repris complaisamment par la presse française, expliquant que la Présidente actuelle bénéficie de 80 % d’opinion favorable (n’a-t-on pas connu cela en France à la fin du mandat de Jacques Chirac ?), les conditions d’existence de la population restent difficiles. La précarité est généralisée, le code du travail bien peu contraignant, l’accès aux soins limité pour les plus modestes et l’éducation un marché sur lequel prospèrent des écoles privées.
En janvier 2007, le quotidien La Nacion, journal pourtant proche du pouvoir, a publié une étude démontrant que 60 % des Chiliens sont encore pauvres ou très pauvres. A l’inverse, ces vingt dernières années, depuis la fin de la dictature en 1989, le pays s’est considérablement enrichi. Durant la décennie 90, la richesse nationale a progressé de 96,4 %, soit une croissance de près de 8 points par an. Certains commentateurs ébahis ont alors montré le Chili comme « le jaguar de l’Amérique latine ». Mais cette croissance stupéfiante n’a pas profité à tous, loin de là. Qu’on en juge. Les 20 % des chiliens les plus riches du pays possèdent près de 70 % de la richesse nationale, et les 20 % les plus pauvres seulement 3 %. Ce déséquilibre est tel que selon l’ONU, le Chili est à présent un des pays ayant la plus mauvaise répartition des richesses au monde. Il est placé au 112e rang mondial sur 124 pays ! Voilà un triste record qui ne semble pas déranger notre Présidente du MEDEF.
Un pays sans gauche
Cette situation est la conséquence d’une politique mise en place depuis deux décennies par la Concertacion, une alliance entre la Démocratie-Chrétienne et le Parti socialiste. Depuis la fin de la dictature, la Concertacion dirige le pays de façon ininterrompue. Les élections présidentielles, dont le premier tour a eu lieu le 13 décembre dernier, pouvait être l’occasion pour les socialistes d’en finir avec cette alliance et de proposer un changement de cap afin de combattre les profondes inégalités qui minent le pays. Pour cela, il aurait fallu proposer une politique volontaire de redistribution des richesses, bref une politique de gauche. Mais, comment le faire avec la Démocratie-Chrétienne qui ne se réclame pas de la gauche mais du centre-droit ? L’exercice ainsi posé était impossible à résoudre. De toute façon, les socialistes n’ont pas tenté de le faire. Ils ont fait le choix, cette fois-ci, de soutenir, dès le premier tour, le Démocrate-Chrétien Eduardo Frei, lui-même ancien Président du Chili de 1994 à 2000. C’est dire la faible volonté de changement qui les animait.
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A Santiago comme à Paris, qu’on se le dise, quand la gauche n’est pas la gauche, c’est toujours la droite qui gagne.
http://www.bakchich.info/La-gauche-desincarnee-au-Chili,09610.html
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