mardi 13 mars 2012

L’impôt proposé lundi par Nicolas Sarkozy ne sera pas facile à mettre en place.

Après les bénéfices des grands groupes, Nicolas Sarkozy s’attaque aux exilés fiscaux. Le président-candidat a proposé lundi la création d’un impôt sur les revenus du capital des exilés fiscaux. Le principe : ceux-ci devront payer au fisc français la différence entre l’impôt payé à l’étranger et celui qu’ils auraient versé en France. Mais cette mesure, simple en apparence, risque d’être compliquée à appliquer.

Nicolas Sarkozy a prévenu que rien ne changerait pour les deux millions d’expatriés français "qui partent pour travailler, pour créer une entreprise". Sa cible, ce sont les exilés fiscaux, "partis à l’étranger dans le seul but d’échapper à l’impôt français", a précisé le président-candidat, qui n’entend toucher que "les contribuables très aisés".

D’après Philippe Crevel, économiste et spécialiste de la fiscalité, les exilés fiscaux seraient entre 200.000 et un million. "Le souci, c’est la définition de l’exilé fiscal", explique-t-il à Europe1.fr.

"C’est compliqué de faire la distinction" entre les deux catégories, relève l’économiste. Un expatrié travaillant dans une entreprise française ne pose pas problème, mais s’il travaille pour une entreprise étrangère à l’étranger, une question se pose : "est-il un exilé fiscal ou un expatrié ? Est-il parti pour améliorer sa situation fiscale ou pour trouver un travail ?", s’interroge Philippe Crevel. Quant à l’exilé fiscal, "il cherchera à devenir expatrié", tout simplement "en trouvant un travail sur place", échappant ainsi à l’impôt français.

Pas de déchéance de nationalité

"La seule solution, c’est le système américain", affirme-t-il. Les États-Unis sont en effet le seul pays du monde, avec les Philippines, à taxer ses ressortissants y compris à l’étranger. Sans faire de distinction entre les catégories de personnes installées à l’étranger. Outre-Atlantique, le système fiscal est aussi généralement plus avantageux pour les contribuables, et prévoit une déduction spéciale pour les expatriés.

Aux États-Unis, les fraudeurs sont en outre menacés d’être déchus de leur nationalité. Rien de tel dans le projet de Nicolas Sarkozy, a précisé sa porte-parole Nathalie Kosciusko-Morizet. "S’il ne paie pas, il est poursuivi par le fisc […] En revanche, s’il veut échapper à la mesure, il est bien sûr libre de prendre une autre nationalité".

D’un point de vue législatif, la mesure proposée par Nicolas Sarkozy passera, comme la taxe "Total" proposée la semaine dernière, par une "renégociation des conventions fiscales" avec les pays concernés. "On prendra les pays où il y a beaucoup d’exilés fiscaux et où la fiscalité sur les revenus du capital est plus avantageuse qu’en France", résume l’entourage du chef de l’Etat.

Ce travail "prendrait beaucoup de temps", note Philippe Crevel. Mais pour le camp du président-candidat, "ce n’est très sincèrement pas un problème", puisque les États-Unis l’ont fait.
Sauf que la France risquerait alors de s’attirer les foudres de l’Europe, souligne dans Le Monde Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes. "Changer les règles pour les seuls Français les désavantageraient par rapport aux autres Européens et poserait un problème de discrimination", ce qui est interdit par la Convention européenne des droits de l’homme. En clair, résume Philippe Crevel, la mesure proposée par Nicolas Sarkozy "ne se fera pas d’un coup de baguette magique".

http://www.europe1.fr/Politique/Quel-impot-pour-les-exiles-fiscaux-987311/

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"Changer les règles pour les seuls Français les désavantagerait par rapport aux autres Européens et poserait un problème de discrimination, ce que l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme interdit", a déclaré au Monde, mardi 13 mars, le président du Cercle des fiscalistes, Philippe Bruneau. "Il faudrait également renégocier et resigner plus de 110 conventions fiscales. Cela ne va pas de soi car les Etats concernés y perdraient en recettes et ne sont nullement obligés de l'accepter", analyse-t-il.

Le président du Cercle des fiscalistes n'en estime pas moins nécessaire de "proposer des solutions alternatives", comme le renforcement des règles anti-abus avec l'"exit tax" – dont on attend le décret d'application –, l'élargissement de la notion de résidence fiscale (183 jours actuellement) et l'accroissement des contrôles.

Depuis l'annonce par Nicolas Sarkozy de la suppression du bouclier fiscal, il y a un an, et l'alourdissement de la taxation des revenus du capital en 2011, le nombre des exilés fiscaux s'accroît.

La proposition de M. Hollande d'instaurer une tranche marginale d'imposition à 75 % au-delà d'un million d'euros, amplifiera ce mouvement. En tenant compte des prélèvements sociaux sur les revenus du capital (15,5 %), sa proposition aboutit à un taux d'imposition de 90,5 %. C'est pourtant un gouvernement, socialiste (celui de Michel Rocard) qui avait instauré en 1988 le premier bouclier fiscal. Il plafonnait l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les grandes fortunes à 70 % des revenus pour éviter, disait-il, une fiscalité "confiscatoire".

Lemonde.fr

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