BERLIN (AFP) - Certains restaurateurs de Berlin ont lancé au mépris des lois un nouveau concept, l'addition pour touriste étranger, enrichie d'une mention spéciale en anglais invitant à débourser au-delà du montant dû.
"Service not included" ou "tip is not included" (service ou pourboire non compris), indiquent ces factures réservées aux hôtes n'ayant pas commandé leurs plats dans la langue de Goethe.
Un ajout illégal parce qu'il ne figure jamais en allemand sur les additions et que les prix affichés incluent déjà service et taxes, législation oblige.
Libre ensuite au consommateur d'arrondir la somme vers le haut. "Mais ce geste est totalement facultatif", souligne la porte-parole de la Fédération de l'Hôtellerie et de la Restauration (Dehoga), Stefanie Heckel.
"On ne peut pas réclamer de pourboire sur l'addition, c'est exclu", ajoute-t-elle, assurant n'avoir jamais entendu parler de telles pratiques.
Et pourtant. L'AFP a rencontré sans peine une vingtaine de touristes étrangers ayant récemment vécu ce genre d'expériences.
En trois jours à Berlin, le week-end du 1er mai, Daniel Dumond a été confronté au problème cinq fois, dans cinq restaurants différents. Si bien que ce Français, invité par une serveuse à se montrer plus généreux, pensait que l'Allemagne avait modifié sa loi et qu'il fallait désormais rajouter comme aux Etats-Unis en moyenne 15% pour le service.
De son séjour à Berlin, Marcia Dos Santos, Espagnole de 51 ans, a conclu qu'"en Allemagne, les serveurs gagnent leur vie uniquement grâce aux pourboires". Jennifer Hortons, une Américaine de 37 ans, en est tout autant convaincue même si "le guide Lonely Planet n'en parle pas". Aussi laisse-t-elle "toujours 15%" supplémentaires.
Une guide allemande interrogée près de la Porte de Brandebourg, Mareike G., se dit au courant de "cette escroquerie", un phénomène "plutôt récent mais pas rare" selon elle.
Un samedi soir de mai, dans un restaurant réputé du quartier Hackescher Markt, des touristes étrangers qui s'étaient étonnés auprès du serveur de voir écrit "Service not included" sur leur note de plus de 150 euros ont aussitôt obtenu une nouvelle facture... sans la mention.
"L'ordinateur imprime ça automatiquement", avait dit le serveur.
Or Jochen Fischer, co-fondateur du groupe Vectron, le numéro un allemand des caisses enregistreuses, est catégorique: "tout ce qui figure sur un bon de caisse doit être programmé au préalable. Prétendre le contraire, c'est n'importe quoi".
L'Office du tourisme berlinois n'a enregistré aucune plainte mais reconnaît la difficulté pour les étrangers d'y voir clair.
"Ce qui est très ambigu, c'est que ces restaurateurs jouent sur le mot anglais +tip+, qu'on peut comprendre de plusieurs manières", service ou pourboire, souligne Christian Tänzler, inquiet d'un éventuel préjudice pour "la bonne image dont bénéficie habituellement Berlin".
Mais "il n'y a pas d'ambiguité sur le mot +service+", relève-t-on à la Fédération des consommateurs: "si les choses se passent ainsi, c'est de l'arnaque", dit Christoph Römer.
Est-elle très répandue ? Quel est le volume total de ces gros pourboires quasi-extorqués aux touristes étrangers, tout bénéfice car non imposables ? Nul ne le sait.
Berlin, avec ses 10.000 restaurants et 643 hôtels, a accueilli 8,5 millions de touristes en 2008. C'est la capitale d'Europe la plus visitée après Paris.
Dans un bar branché du centre-ville, le message trône à la craie sur un tableau derrière le comptoir: "Tipping is normal in Germany" (donner un pourboire, c'est normal en Allemagne). "C'est culotté", juge Barbara Weller, Berlinoise de 31 ans. "D'autant qu'il n'y a aucun service, le client cherche lui-même sa boisson au comptoir!"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire