" Tout immigré doit puiser en lui la force de s'insérer dans la société française "
Démission des élites, double langage, dictature du politiquement correct, lente dérive de notre société, Malika Sorel-Sutter pose, dans son dernier ouvrage, un implacable diagnostic sur l'immigration en France. Membre du Haut Conseil à l'intégration, aux premières loges pour constater l'ampleur des dégâts, elle définit l'urgence d'une politique cohérente et courageuse. Rencontre avec l'auteur du « Langage de vérité ».
Votre essai s'intitule «Immigration-intégration. Le langage de vérité», est-ce à dire que nous vivons dans le mensonge?
Malika Sorel-Sutter - On cache depuis trop longtemps la vérité aux Français, c'est donc pour moi un acte citoyen que d'écrire ce livre pour faire le recensement des manipulations, mensonges et omissions. Affirmer que les Français ne font pas de place aux autres relève de l'intoxication la plus éhontée. Voilà plusieurs décennies qu'on jette l'opprobre sur notre culture, notre identité, nos racines pour nous contraindre à abandonner nos valeurs fondamentales. Les principes républicains sont la traduction de l'identité française issue de l'héritage grec et romain, des racines chrétiennes, de périodes fécondes comme la Renaissance ou les Lumières. Il est temps de ne plus rien céder là-dessus. Il est essentiel que les Français envisagent à nouveau leur histoire, et cela de manière apaisée, qu'ils prennent conscience qu'ils n'ont pas à renoncer à eux-mêmes pour accueillir l'autre - contrairement à ce que leur répètent les élites.
Vous pointez particulièrement les élites politiques...
C'est un monde clos, avec pour principal dessein sa propre perpétuation. Tout a concouru historiquement à l'effacement de l'idée de nation et à sa calamiteuse gestion par nos élites : la décolonisation, la construction européenne, la mondialisation, l'avènement du libre-échange, la pression des milieux patronaux sur la gauche comme la droite pour obtenir une main-d'œuvre bon marché, la prise en charge des revendications des nouveaux venus par un réseau d'associations dont les initiatives sont aussitôt relayées par les médias. Si bien qu'aujourd'hui, tout ce qui peut aller contre est aussitôt éjecté du système. Pensée unique, paralysie des idées, d'où cette bérézina - c'est bien de cela qu'il s'agit - en matière d'immigration. Nous sommes loin d'être sortis du gué. Plus on dénonce le mensonge des élites, plus elles s'arc-boutent et se rejoignent pour accuser les Français d'un prétendu racisme, pour multiplier les nouveaux concepts de discrimination, le dernier en date concernant le lieu de résidence. Tout est bon pour manipuler les esprits. Pour complaire aux élites, il faudrait renforcer les pouvoirs de la Halde, laquelle joue un rôle d'exaspération et de crispation entre les groupes, passant le plus clair de son temps à exacerber les tensions en prétendant que les gens issus de l'immigration sont victimes de notre société, alors que c'est l'ignorance des codes sociaux et culturels qui, par exemple, empêche les jeunes d'être recrutés. Tout concourt à persuader nos compatriotes qu'ils sont des ignorants - quand ils n'ont pas franchement tort. Ainsi des fausses vérités assénées sur les flux migratoires où l'on fait de la France une immémoriale terre d'immigration, alors que le phénomène ne date que des années 1870. Le but de la manœuvre est de convaincre que les difficultés inhérentes au brassage (difficultés que l'on nie en parallèle) se résorberont aisément. Irénisme ou tartufferie ? Les deux, sans doute. La levée de boucliers contre la simple reconnaissance de l'échec de l'intégration révèle que le combat pour la vérité est loin d'être gagné. Tout immigré doit puiser en lui la force et le courage de s'insérer dans la société française, c'est-à-dire d'en adopter les modes de comportement et d'en respecter les normes collectives. Il faut relever la tête, rompre avec le discours de victimisation des nouveaux arrivés qui les infantilise et les déresponsabilise, et en finir avec la sempiternelle repentance. La logique du mensonge et de la négation de nous-mêmes a conduit à une baisse générale des exigences, y compris à l'école, et fait désormais courir le risque d'un déclassement irréversible de la France au niveau international.
Risque-t-on vraiment, comme vous le dites, d'assister à une substitution de peuples?
Arithmétiquement, du fait de la stagnation de notre démographie, de l'importance du flux migratoire, de la difficulté de la France à intégrer les nouveaux entrants, on assiste à une diminution du nombre des Français porteurs de l'identité française. Devenir minoritaire sur son propre territoire est un réel problème. L'effacement de l'esprit national au profit d'un conglomérat de plusieurs peuples est d'ores et déjà à l'œuvre dans certains quartiers. On observe un rejet croissant de nos valeurs au profit de références issues d'ailleurs. Il n'est pas question ici de hiérarchiser ni de stigmatiser l'effet d'aubaine qu'y saisissent les populations immigrées, mais de pointer la malhonnêteté des élites qui osent encore affirmer aux Français : « Vous êtes des xénophobes et le problème vient de vous ! »
Pendant plus de trente ans, on leur a dit que les personnes venant du Sud allaient s'intégrer, à l'instar des précédentes immigrations d'origine européenne. Ils ont observé et attendu. Un sondage publié fin avril indique que 74 % d'entre eux concluent désormais à l'échec de l'intégration. Aux élites de reconnaître leurs erreurs, de s'effacer devant le destin national en prenant d'autres options, mais il y faudrait une certaine envergure intellectuelle et morale...
A qui pensez-vous?
Au niveau politique, à personne en particulier, la gauche comme la droite s'étant au fil des années, sous des dehors humanistes, enkystées dans un conformisme totalitaire. Beaucoup sont encore dans un double discours, avec une énorme distance entre ce qu'ils pensent véritablement et les propos officiels. C'est tout un système qui broie les individus. Pour autant, je sens les prémices d'un réveil du peuple français. Aussi faut-il compter sur l'appui de certains intellectuels. Le sociologue Hugues Lagrange en a fait les frais récemment avec le succès nimbé de scandale de son ouvrage sur l'immigration Le Déni des cultures, dans lequel il révèle un certain nombre de vérités. Il s'est retrouvé rudement mis en cause. Faire profession de foi de liberté en France peut vous faire mettre au ban de la société. Nos compatriotes s'imaginent que les médias et les intellectuels sont libres. Hélas, nous avons toujours notre Soviet suprême : les chercheurs doivent y aller très doucement pour éviter qu'on ne leur ferme les micros et les maisons d'édition.
Que dites-vous du projet du ministre de l'Intérieur de réduire l'immigration légale?
Que c'est un bon mais timide début. L'immigration légale serait actuellement d'environ 200 000 personnes par an et devrait, selon Claude Guéant, descendre à environ 180 000. Depuis fort longtemps, la France ne dispose plus guère de capacités d'intégration. Le fait d'avoir accepté d'importants flux migratoires a hypothéqué les chances d'insertion et d'intégration des nouveaux entrants - Michel Rocard en parlait déjà en 1990 ! Il est bon de faire entrer ces vérités dans les esprits, de dire enfin clairement qu'on ne peut plus accepter de tels flux migratoires. Et ne nous laissons pas leurrer par les chiffres. L'estimation de 200 000 est sous-évaluée. Elle ne prend pas en compte l'afflux permanent de clandestins. Pour louable qu'elle soit, l'intention demeure de l'ordre de la petite cuillère. Il faudra aller beaucoup plus loin, sans esquiver le problème des regroupements familiaux, la question des mariages mixtes qui n'en sont pas - le plus souvent des unions entre deux individus dont l'un possède la nationalité française et l'autre arrive du pays d'origine où sa famille est allée le chercher. Ces mariages qui n'ont de mixte que le nom sont en réalité des portes grandes ouvertes pour l'immigration.
Quel regard portez-vous sur la révision des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes en Europe réclamée par Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi?
En délivrant des papiers aux migrants tunisiens qui affluent, l'Italie sait que la plupart d'entre eux rejoindront aussitôt, « grâce » aux accords de Schengen, le diamant social qu'est la France à leurs yeux. Chaque pays tente, dès qu'il le peut, de sauver sa mise, fût-ce sur le dos de ses voisins. L'Europe se révèle être un château de cartes qui peut s'effondrer à tout instant, et sur des sujets imprévisibles car il n'y a pas d'Europe politique. La révision des accords de Schengen est un impératif. Il faut d'autre part s'interroger sur cette étrangeté qui consiste, pour certains Tunisiens, à fuir leur pays au lendemain d'une révolution destinée à bâtir une société de la nouvelle chance.
Que répondez-vous à ceux qui affirment que sans l'immigration notre économie s'arrêterait?
Sur ce sujet, la gauche porte une très grande responsabilité. Elle est aux premières loges dans les collectivités territoriales et les Régions pour observer la difficile insertion économique des jeunes issus de l'immigration qui sont dans les quartiers, et qu'il faudrait former aussi bien en termes de contenu, de connaissances, que de codes culturels de la société française pour qu'ils puissent s'insérer dans le monde économique. Triste constat : la gauche a abandonné les personnes issues de l'immigration au profit des « immigrés ». Elle a également abandonné les classes populaires françaises. Sur ce sujet, la gauche a épousé les thèses du patronat qui a, lui, un intérêt manifeste à prôner l'immigration. Pour la gauche, la France n'a plus de frontières, elle appartient au monde. La gauche affiche la couleur là où la droite, consciente des problèmes, affirme qu'elle va agir, mais il y a bien loin des discours aux actes. D'où certaines aberrations de notre politique de l'emploi comme l'adoption par la France de la directive européenne destinée à attirer les ressortissants de pays tiers aux fins d'emplois hautement qualifiés (niveau bac + 3 pour cette directive dite « carte bleue »), ou encore des 108 métiers pour lesquels la France a signé en 2008 des accords d'immigration avec le Sénégal, alors que nous avons beaucoup de jeunes au chômage. Autant d'emplois qui auraient pu être pourvus à niveau de compétence égale ou en formant des chômeurs. Il y a donc partage des responsabilités entre la gauche et la droite, qui doivent toutes deux retrouver le chemin de la raison.
Christine Lagarde affirme que réduire les flux migratoires pour améliorer l'emploi des Français est une vue à court terme...
Venant du monde des entreprises, Christine Lagarde se retrouve ici dans un rôle qui n'est pas forcément celui de la défense de l'intérêt supérieur de la nation. Dès que Laurence Parisot intervient en qualité de présidente du Medef, le ministre de l'Economie vient en renfort, soutenant le patronat, dont l'intérêt premier est d'avoir une main-d'œuvre peu chère. A observer le point de vue de chaque acteur, vous vous apercevez qu'il est rationnel, simplement on ne peut plus accepter aujourd'hui à des postes Politiques - avec un grand « P » au sens d'Hannah Arendt - des gens qui œuvrent en concordance avec des groupes particuliers au détriment, parfois, de l'intérêt général.
Face aux 25% de naissances issues de l'immigration, la stagnation de notre natalité vous inquiète-t-elle?
On ne peut pas ne pas en être préoccupé, en observant toutefois que les Françaises de souche européenne font beaucoup plus d'enfants que, particulièrement, les Allemandes ou les Italiennes. Cette situation est due à ce courant d'idées spécifiquement français de l'émancipation des femmes qui leur a permis de mieux articuler leurs vies privée et professionnelle. Jusqu'à encore très récemment, en Allemagne, la femme était une Hausfrau, et celle qui optait pour une vie professionnelle, une mère qui abandonnait ses enfants. Nous n'avons nullement cette catastrophique image en France. De grands écrivains ont montré la voie, prouvé que les femmes pouvaient beaucoup apporter à la société. D'où notre absence de sentiment de culpabilité face au choix d'un destin professionnel. Pour autant, il faut aller plus loin, en aidant les femmes à mener cette vie multiple. Dans certaines entreprises, le mouvement est amorcé : pas de réunions tôt le matin pour permettre aux mères d'habiller les enfants et de les accompagner à l'école, pas de réunions tard le soir, facilitation des RTT en cas de maladie des petits, et surtout ne plus regarder les enfants comme des problèmes pour les entreprises. Autant d'éléments qui, s'ils sont généralisés, permettront de faciliter la natalité française.
Cela étant, si la France s'en tire plutôt bien, il ne faut pas négliger l'état d'esprit qui règne actuellement en Europe où fleurit une communication, pour ne pas dire une propagande, tenant pour inévitable son déclin démographique et son vieillissement, d'où le message d'une immigration qui « apporte ». Une véritable planification de transferts s'est donc mise en place. J'ai même rencontré un commissaire européen qui fonctionnait avec une calculette ! «Nous allons manquer de tant de personnes, il nous en faut tant.» De l'arithmétique pure. Sans se poser la question de savoir si les gens vont s'intégrer, s'ils vont être porteurs d'un esprit français ou allemand, s'ils vont participer au maintien d'une identité. C'est ainsi que le transfert des populations se métamorphose en projet politique de substitution de peuples...
Le tropisme des populations pauvres pour les pays riches n'est-il pas inéluctable?
C'est précisément ce qu'il faut éviter. D'où le divorce entre le peuple et les élites, dès lors qu'elles proclament qu'elles ne peuvent rien faire. Notre époque n'a pas besoin d'impuissants. On ne peut pas dire à un peuple : « Vous êtes destinés à disparaître et devez l'accepter. » Or c'est précisément ce qui est en train de se jouer. Comme si un père disait à ses enfants : « Je suis contraint d'accepter tout ceux qui entrent dans la maison. C'est ainsi. » Les enfants resteront-ils sans broncher, continueront-ils à regarder leurs parents avec sérénité et respect ? Le propre du politique est d'exercer le pouvoir.
Renan dit que faire nation, c'est aussi la volonté de continuer à vivre ensemble. Aujourd'hui, ce n'est pas le bien vivre ensemble qui pose problème, mais simplement le fait de continuer à vivre ensemble. Et c'est tragique. La plaie est à vif, jusqu'à l'apparition de l'os, puisque nous en sommes à nous interroger sur la cohésion nationale. A huis clos, quand on demande aux préfets combien de personnes ils peuvent accueillir, ils répondent : «Zéro!» Puis, dans le discours officiel, les élites politiques entonnent l'antienne habituelle : « Nous allons voir, il faut des logements, il faut ceci, cela, de l'accompagnement, etc. » Comme toujours dans l'Histoire, on suit un courant. Et puis, soudain, et parfois avec une certaine violence, les yeux se dessillent, les conditions politiques changent, si bien que, par un mouvement de balancier, tout le monde partira dans l'autre sens. Nous sommes dans ce moment charnière. Le peuple français prend conscience du préjudice subi par rapport à son identité et au projet politique collectif. Les élites vont devoir faire marche arrière. Certains commencent à parler, à avoir enfin un peu de courage. Ce sera long. Mais le mouvement est amorcé où chacun va se retrouver face à sa propre conscience.
http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2011/05/06/01006-20110506ARTFIG00744--tout-immigre-doit-puiser-en-lui-la-force-de-s-inserer-dans-la-societe-francaise.php
Dominique Reynié:
-"Nous avons une modification en profondeur de l'équilibre ethno culturel de l'Europe."
-« En profondeur, la population européenne se modifie… »
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