"Le dérapage de gauche serait licite, le dérapage de droite prohibé ?"
Laurent Joffrin, Libération.
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Michèle Tribalat: "les pouvoirs publics relativisent l'immigration"
Les Yeux grands fermés, de la démographe Michèle Tribalat, risque de susciter de vives empoignades. Pourfendant les idées reçues et un angélisme antiraciste de bon ton, la chercheuse analyse de manière iconoclaste le problème sensible de l'immigration.
Michèle Tribalat s'étonne de la difficulté à diffuser des informations non conformes à l'optimisme dominant.
Vous avez intitulé votre livre Les Yeux grands fermés. Pourquoi?
Ce titre suggère que l'on s'évertue à ne pas voir. Attitude qui concerne les flux migratoires, mais aussi les populations immigrées et leurs descendants. En matière de flux migratoires, les seules informations dont dispose la France portent sur les entrées d'étrangers en provenance d'un pays hors de l'Espace économique européen [EEE]. Nous ne disposons d'aucun chiffre sur leurs sorties. Et nous ignorons tout autant les entrées et sorties de Français ou d'Européens de l'EEE. De la même manière, nous sommes dans l'incapacité de connaître le niveau éducatif des arrivants sur une base régulière. Le chiffre le plus couramment avancé pour parler d'immigration est celui du solde migratoire, qui est censé faire la balance entre toutes les entrées et toutes les sorties et qui provient d'une estimation "au doigt mouillé". Il a l'avantage d'être de petite taille par rapport au flux d'entrées d'étrangers, dont on parle ainsi de manière indirecte.
Par quel moyen serait-il possible d'établir une estimation plus rigoureuse?
Les pays du nord de l'Europe disposent de bons registres de population. C'est un système coûteux à mettre en place et pas forcément très populaire. La question a été débattue au Royaume-Uni, où l'estimation des flux est fondée sur une enquête aux frontières jugée insatisfaisante. Le coût de l'opération, notamment, semble dissuasif. A la question des flux s'ajoute celle de la mesure et de l'étude des populations d'origine étrangère. Si l'on fait la comparaison avec les pays du nord de l'Europe, dans lesquels l'immigration étrangère est un phénomène beaucoup plus récent, de faibles efforts ont été réalisés en France, et très tardivement.
Qui connaît l'existence du fichier Saphir en France?
On chercherait donc à rassurer les Français en leur cachant les vrais chiffres de l'immigration?
Pouvoirs publics, médias, experts n'inventent pas des chiffres, mais ils privilégient les instruments qui relativisent l'immigration et présentent ses effets sous un jour favorable ou, lorsque ce n'est pas possible, qui mettent les immigrés ou leurs descendants en position de victimes. Dans notre pays, on semble plus préoccupé par l'effet de l'information que l'on diffuse que par la réalité qu'elle recouvre. Un climat antiraciste joue, qui incite à la prudence: on cherche à éviter d'alimenter les craintes des Français et à améliorer leur opinion sur l'immigration. Dans notre époque mondialisée, l'immigration apparaît comme une fatalité. Autant la présenter sous un jour favorable.
Pourtant l'immigration est, selon de nombreux observateurs, utile à notre économie?
C'est ce que l'on nous martèle de tous côtés, mais je n'ai pas lu beaucoup d'études traitant de la question en France. Cette insistance contraste avec le silence assourdissant qui a accueilli le rapport du CAE, silence qui montre le peu d'intérêt pour la réalité, ou tout au moins pour un diagnostic éclairé. Et les études qui sont disponibles, souvent réalisées aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, ne mettent pas en avant une augmentation décisive du produit intérieur brut [PIB] par habitant due à l'immigration. Que le PIB s'accroisse avec le nombre de travailleurs (au moins en période de croissance) n'est pas une grande nouvelle. Mais très peu semble revenir aux natifs et aux immigrés déjà présents.
Qu'en est-il des salaires?
Les nombreuses études étrangères s'accordent généralement pour constater un effet négatif sur les plus bas salaires lorsque l'immigration est faiblement qualifiée. Les nouveaux immigrés entrent en concurrence avec les salariés peu qualifiés déjà présents, dont les immigrés, et font baisser les salaires. Une enquête britannique a testé l'effet de l'immigration récente de travailleurs des pays de l'Est, en particulier de travailleurs polonais. Ces immigrés étaient plutôt bien qualifiés mais se sont déclassés sur le marché du travail britannique et ont concurrencé les salariés les moins bien payés. En France, l'immigration n'est pas très qualifiée, un peu plus de 40% de sans-diplôme dans le flux de 2006 (1). Elle est, par ailleurs, très dépendante des liens familiaux tissés avec des étrangers. L'immigration familiale a changé: elle n'accompagne plus à distance, comme autrefois, le flux d'entrées de travailleurs. Elle comprend désormais des unions dites mixtes entre Français et étrangers, dans lesquelles le conjoint français est bien souvent d'origine étrangère. Ces unions ouvrent ainsi un droit à immigrer à un étranger qui vient du même pays que celui des parents de son conjoint français.
On entend effectivement souvent cet argument. Il provient d'un raisonnement purement quantitatif qui, poussé à l'extrême, nécessiterait des flux insoutenables. Tout dépend de la facilité de ces immigrés à occuper un emploi, emploi qui dépend lui-même de leur qualification. Cependant, toutes les études -souvent étrangères- concernant l'impact de l'immigration sur les finances publiques mettent l'accent sur un point: l'immigration, même qualifiée, ne pourra jamais rétablir à elle seule l'équilibre des finances publiques.
Revenons au rapport de Gilles Saint-Paul. Pourquoi, selon vous, a-t-il eu si peu d'écho?
Ce document mettait en évidence la faiblesse de l'argument économique pour justifier l'immigration. Il critiquait, notamment, la gestion fine par l'Etat des métiers sous tension; ces professions qu'on ouvre à l'immigration quand on considère administrativement, au seul vu d'un ratio, qu'il n'y a pas suffisamment de postulants. Cette politique empêche le marché du travail de se tendre suffisamment pour que les salaires augmentent. C'est tout bénéfice pour les employeurs, pour les consommateurs et les utilisateurs des services fournis. Le rapport de Gilles Saint-Paul a été soigneusement enfoui dans un tiroir et oublié parce qu'il contestait précisément cette justification économique de l'immigration. Il était, de toute évidence, trop dérangeant.
Pour le gouvernement?
Oui. Pour le gouvernement, qui veut se montrer très actif dans la maîtrise de l'immigration et se dit que, s'il n'y arrive pas vraiment, il est préférable d'en donner une image positive. Pour la presse, aussi, car ce rapport posait la question de l'intérêt économique de l'immigration, souvent repris dans les journaux sans aucune vérification. J'attends d'un argument qu'il trouve des justifications tangibles. Dans d'autres pays, ces questions donnent lieu à un débat scientifique et dans l'opinion publique. On ne trouve pas, comme chez nous, une seule position légitime, celle de l'éloge.
N'est-ce pas par crainte d'une récupération politique par l'extrême droite?
Si l'on ne doit pas savoir pour que Le Pen ne sache pas non plus, alors je trouve cela inquiétant. Pour moi, l'ignorance représente le danger maximal. Et puis, en étudiant mieux le phénomène migratoire, peut-être aurions-nous de bonnes surprises ou pourrions nous remettre en question des idées toutes faites. Car, souvent, on ne voit dans les chiffres qu'un moyen de conforter une opinion préalable. Ainsi, quand j'ai estimé, il y a quelques années, à un peu moins de 4 millions le nombre de personnes susceptibles d'être musulmanes d'après leur filiation, ce chiffre n'a guère été repris car une sorte de consensus s'était établi autour de l'estimation de 5 à 6 millions, estimation dont la fabrication était absolument "intraçable".
Un débat sur l'immigration est donc impossible?
Il est difficile. C'est sans doute en partie lié au passé (colonisation, Shoah...). Je crois aussi que nous n'avons pas, comme les Anglo-Saxons, le culte de la libre expression. Ce n'est pas, chez nous, une question fondamentale. Au Royaume-Uni, par exemple, même si le débat est virulent, des positions divergentes peuvent s'exprimer. En France, s'interroger sur les bienfaits annoncés comme inévitables de l'immigration, c'est déjà pécher. Etre en faveur d'une politique migratoire plus restrictive est forcément répréhensible. On fait alors immédiatement partie des "méchants" qui ne veulent pas accueillir des malheureux, et l'accusation de racisme n'est jamais bien loin. Nous n'avons pas le goût de la vérité. Du coup, le débat est monopolisé soit par l'extrême droite, qui clame qu'il faut fermer les frontières, soit par ceux qui pensent que l'ouverture totale des frontières est notre destin. Les deux positions étant totalement chimériques.
Tout dépend de son degré d'irritation. Aux Pays-Bas, par exemple, nous avons assisté à l'émergence du phénomène Pim Fortuyn. On y a souvent vu une montée en puissance de l'extrême droite, alors que Paul M. Sniderman et Louk Hagendoorn (3) ont montré que cela traduisait, en fait, un mécontentement surgi du coeur de la société. La réaction a touché des gens plutôt tolérants sur la question de l'immigration, qui n'avaient pas une vision négative de l'islam mais qui rejetaient certaines pratiques sociales des musulmans.
La création du ministère de l'Immigration est-elle une avancée?
Elle a, certes, permis de regrouper des secteurs travaillant sur les questions de l'immigration. Pourtant, une certaine opacité demeure. Une nouvelle application informatique va ainsi être mise en service pour la gestion du fichier des titres de séjour, à partir duquel il faudra établir les chiffres de l'immigration chaque année. Mais ladite application a été conçue sans intégrer l'avis de son principal utilisateur extérieur, Xavier Thierry, chercheur à l'Ined. J'ai moi-même participé à un diagnostic sur la précédente application informatique, et je crains que l'on n'ait toujours pas pris en compte l'étendue des usages statistiques de ce fichier, comme c'était déjà le cas.
(1) Selon l'enquête "Parcours et profils des migrants...", Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques. (3) When Ways of Life Collide. Princeton University Press, 2007.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/michele-tribalat-les-pouvoirs-publics-relativisent-l-immigration_855913.html
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Tribalat : L’origine des jeunes immigrés en France
La démographe Michèle Tribalat décrit, le 27 janvier 2011 lors d’une audition de commission au Sénat, la modification considérable de la population française, en particulier en Seine-Saint-Denis.
-La part des jeunes d’origine étrangère est ainsi passée, entre 1968 à 2005, de 11% à 18% en France
-de 16% à 37% en Ile-de-France
-de 19% à 57% en Seine-Saint-Denis
-et de 22% à 76% à Clichy-sous-Bois.
Parmi les jeunes immigrés, ceux qui sont d’origine européenne, et qui étaient largement majoritaires jadis, sont désormais très minoritaires, supplantés par les Maghrébins et les Africains.
"Par exemple, à Mantes-la-Jolie, vous avez moins de 5% des jeunes qui sont d’origine européenne", annonce la démographe.
Tribalat note que la mixité sociale tant souhaitée par nos politiques n’existe pas et n’existera sans doute pas à l’avenir. Elle ne croit pas non plus à un ralentissement de l’immigration.
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"Où sont les vrais Français ?"
LE MONDE | 05.12.07 |
Fabien A. est arrivé en 2000 de Cotonou, capitale du Bénin. Il a fait faillite dans son pays après avoir mal géré son affaire de grossiste en riz, comme il le dit lui-même. Suivent cinq années de galère où il se retrouve sans papiers. "Si j'avais su, je ne serais pas venu en France, explique-t-il. Jamais au Bénin, je n'ai entendu parler du problème des sans-papiers."
Il a été régularisé en 2005. Sa femme, Assia, en août dernier. Elle est arrivée en 2002 avec comme bagage sa fille Nelly. Elle découvre un pays, une ville, un quartier si éloignés de la chaleur africaine... Elle doit marcher pour faire les courses, attendre le bus. "A Cotonou, il y a des petits taxis partout. Tu ne marches pas", dit-elle. Ici le ticket coûte 1,50 euro, soit 1 000 francs CFA. Une fortune ! Dix fois plus cher que dans son pays.
La famille se fait des amis à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise). La seule souffrance vient des enfants du quartier. "Ils sont gâtés", souffle Fabien. En Afrique, cette expression signifie qu'ils sont... foutus.
"ILS DOIVENT AVOIR LA BASE"
Le couple porte un regard sévère sur les garçons de la cité. Il ne comprend pas leur rage. "En plus, ils tirent sur la police", s'insurgent Fabien et Assia. Au pays, c'est la police qui aurait tiré. "Ça fait mal au coeur de voir une partie de notre jeunesse qui ne veut rien faire", se désole le père. Pour lui, ces jeunes-là sont "gavés". Ils ont tout ce qu'ils veulent. Les parents n'ont aucune autorité. "Ils n'ont même pas le droit de frapper leurs enfants quand ils font une bêtise, explique Francis, 28 ans, un ami de la famille venu les visiter. Sinon, les gamins disent qu'ils vont appeler les flics." "Moi, j'irai même en prison s'il le faut, mais je frappe mes enfants. Ils doivent avoir la base", enchaîne Fabien. Il le dit clairement à sa petite fille : "Si tu fais trop de bêtises, je t'envoie un an en Afrique. Tu souffriras !" Assia s'emporte : "Y en a marre ! Dans le RER D, il n'y a que des Arabes et des Noirs. Où sont les vrais Français ? Pourquoi ils ne viennent pas ici, vivre avec nous ? Il faut du mélange !" Son mari la reprend : "Mais, ma chérie, les Blancs ont peur de nous."
Mustapha Kessous
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Délinquance,les statistiques qui dérangent. Le Point, 24/06/04 - N°1658
Par Christophe Deloire
Le sujet est l’un des tabous les plus forts de la République : 60 à 70 % des délinquants sont issus de l’immigration. C’est ce que révèlent les synthèses de la police nationale
La scène se déroule à la cour d’appel de Douai. Le président de chambre demande son identité à un prévenu : « Abdelkrim ». Le juge de rétorquer : « Vous avez un nom prédestiné ! » Le président de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), Mohamed Bechari, a raconté cette anecdote à un cénacle de députés en soulignant le caractère scandaleux du propos. La boutade du magistrat a beau être très douteuse, elle révèle la triste impression donnée par le défilé dans les prétoires.
Autre décor. Un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur rentre à son domicile avec une liasse de rapports sous le bras. Son épouse, qui ne connaît rien à la police, a la curiosité de jeter un oeil sur les documents. Réaction offusquée de madame : « Mais vous n’arrêtez que les étrangers ! » Lui est obligé de se justifier, de répondre : « Mais non, ma chérie, nous ne faisons pas de tri en fonction des origines. »
Le sujet est des plus sensibles. C’est même l’un des tabous les plus ancrés de la République. La part des enfants de l’immigration dans la criminalité et la délinquance ressortit au secret d’Etat. La lecture des synthèses quotidiennes de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), où sont recensés une partie des faits perpétrés en France, laisse sidérés les très rares initiés qui y ont accès.
Le Point a pu consulter ces notes, dans lesquelles il apparaît que plus de la moitié, voire 60 ou 70%, des suspects répertoriés ont des noms à consonance étrangère. Cet élément est délicat à manipuler. En aucun cas l’on ne saurait déduire avec certitude une origine d’un patronyme. Il ne s’agit pas non plus de tirer des conclusions absurdes sur un caractère « culturel » de la criminalité. Mais écarter ces constatations d’un revers de manche est une grave erreur qui occulte l’échec de l’intégration.
« La vérité est révolutionnaire », disait Lénine. L’on ne saurait résorber que les problèmes que l’on connaît. Une analyse de la « surreprésentation » des Français d’origine étrangère dans la commission d’infractions est d’autant plus éclairante que l’explication avancée en règle générale est erronée. On a coutume de considérer que la corrélation se fait seulement entre la pauvreté et la délinquance. Le propos ne suffit pas à rendre compte de la réalité (voir interview de Sebastian Roché).
En aucun cas, il ne s’agit d’apposer des tampons « immigré » sur des Français. Cela serait plus que tendancieux. En revanche, analyser un fait social n’est pas dépourvu d’intérêt. Les synthèses quotidiennes de la DCSP et de la DCPJ attestent que le pourcentage d’auteurs issus de l’immigration est surtout élevé à la rubrique des « violences volontaires » et des « vols à main armée ». Quand il était ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a parfois fulminé sur le sujet. En réunions restreintes.
Au 1er janvier 2004, les étrangers représentaient 12 241 détenus dans les prisons françaises, sur une population carcérale de 55 355 personnes. Comme l’observe Laurent Mucchielli, directeur du Cesdip, dans un article publié par la revue Criminologie, « près de la moitié des mis en cause pour vol à la tire sont des étrangers » et « les étrangers sont nettement surreprésentés en matière d’homicide et de tentative d’homicide ». Selon l’auteur, il y a là « une version moderne de la sur- délinquance traditionnelle des milieux sociaux les plus précarisés dans une société industrielle ».
Mais les questions du jour ne concernent pas tant les étrangers que les Français issus de l’immigration. La situation est infiniment plus complexe. D’abord, les fichiers mentionnant les origines des Français sont interdits et empêchent des travaux statistiques fouillés. Ensuite, la délinquance dépend de facteurs psychologiques très ténus. Le criminologue Alain Bauer, par ailleurs président de l’Observatoire de la délinquance, explique qu’on ne sait rien des facteurs qui font un délinquant, sinon une chose : « Un auteur d’agression est souvent quelqu’un qui a été battu et dont le cas n’a pas été traité. »
Cela vaut-il pour les violences abstraites ? Laurent Mucchielli invoque une « victimisation collective » des populations d’origine immigrée, la « perspective d’un destin social misérable » qui induit « d’intenses sentiments de frustration et d’exclusion ». A tort ou à raison, le syndrome du colonisé est toujours vivace. Il y a près de dix ans, la commissaire Lucienne Bui Trong, chargée des violences urbaines à la Direction centrale des RG, relevait que 85 % de leurs auteurs sont d’origine maghrébine et qu’ils agissent en raison d’une sorte de « paranoïa » vis-à-vis de la société française. « J’ai vu une liste de 3 000 auteurs de violences urbaines établie par les RG parisiens, et il n’y avait que 59 noms "gaulois" », relate le criminologue Xavier Raufer.
Le 2 juin, lors d’un comité interministériel à l’intégration présidé par Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin se lance dans un discours sur l’intégration avec le lyrisme dont il a le secret. L’actuel ministre de l’Intérieur, soucieux de la « cohésion nationale », s’alarme de la propagation d’idéologies néfastes dans les banlieues ; il note la défiance vis-à-vis des autorités et considère qu’il ne faut pas dissocier les schémas mentaux et les actes.
Déracinement
Comment faire pour savoir ce qu’il se passe dans les cours d’immeuble ? Faut-il tenir compte des origines des Français pour mieux cerner certains problèmes ? Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, pense qu’il serait judicieux d’approfondir la connaissance de la réalité, pour étudier les difficultés propres aux populations d’origine immigrée, surtout en matière de discrimination à l’emploi. Le 3 décembre 2003, à l’occasion du 20e anniversaire de la Marche des beurs, Raffarin expliquait que « nous avons besoin d’une grande enquête statistique et sociologique sur la question de l’intégration et des inégalités, parce qu’il n’y a rien de complet aujourd’hui ».
Le 2 juillet, le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, installera un observatoire des statistiques, mis en place par le Haut Conseil à l’intégration (HCI). L’instance, qui sera dirigée par Jacqueline Costa-Lascoux, est censée coordonner tous les chiffres disponibles. Peut-être permettra-t-elle de mieux cerner les effets du « déracinement », géographique ou culturel, de certains Français. « Il n’est ni prévu ni exclu de travailler sur la question de la délinquance », assure-t-on prudemment au HCI. L’état des lieux ne sera pas facile à établir. Un chercheur, Laurent Lagrange, a observé une surdélinquance des enfants de l’immigration dans un quartier de Mantes-la-Jolie, mais pas dans un quartier comparable d’Amiens. Ce n’est pas avec des idées fixes, bien ou mal-pensantes, que l’on épuise la réalité
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Interview Sébastian Roché, sociologue:
« Mon grand-père était face à l’uniforme en Algérie, moi, je suis face aux policiers. »
Le Point : Les jeunes d’origine étrangère sont-ils surreprésentés dans la délinquance ?
Sebastian Roché : J’ai mené une étude à Grenoble et à Saint-Etienne sur un échantillon de près de 2 300 jeunes de 13 à 19 ans qui prouve que les jeunes d’origine étrangère commettent plus de délits que les autres, et surtout des délits plus graves. Parmi les adolescents dont les deux parents sont français, 30,2 % ont commis au moins trois petits délits dans leur vie, alors que le chiffre s’élève à 42,4 % pour les adolescents d’origine maghrébine.
Et pour les actes graves ?
La différence est plus importante. S’agissant des agressions, des vols de voiture, cambriolages, vols avec violence, 3,9 % des jeunes d’origine française en ont commis au moins trois, contre 9,7 % des jeunes Maghrébins. J’ai, par ailleurs, fait dépouiller tous les dossiers des jeunes jugés par le tribunal des mineurs en quinze ans dans l’Isère. J’ai trouvé que 39,5 % des auteurs sont issus de parents français, et 46,9% d’origine étrangère.
L’explication est-elle relative au niveau social ?
En fait, 87 % des parents des jeunes d’origine étrangère sont ouvriers ou employés, alors que seulement 42 % des parents « français » le sont. Mais la prise en compte du statut socio-économique n’explique pas tout. Comparons, par exemple, les chiffres de la délinquance des jeunes qui habitent en HLM et de ceux qui n’y habitent pas. Quelle que soit leur origine, les jeunes des HLM sont plus délinquants que les autres. Mais la différence est infime si l’on s’intéresse seulement aux jeunes d’origine étrangère. Il y a donc un facteur spécifique.
Quel est-il ?
Il est difficile de déterminer les variables pertinentes. La perception des autorités semble importante. Ceux qui ont une image positive de la police et de leur père acceptent plus facilement les normes de la société. Les voyous raisonnent ainsi : « Mon grand-père était face à l’uniforme en Algérie, mon père s’est retrouvé bêtement à l’usine, je suis, moi, face aux policiers. » Plus les jeunes ressentent l’indifférence des pouvoirs publics, plus ils sont impliqués dans la délinquance. A tort ou à raison, il y a une mémoire collective d’un exercice de l’oppression française -
http://www.lepoint.fr/actualites-politique/2007-01-17/delinquance-les-statistiques-qui-derangent/917/0/29763
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Noirs, Arabes et délinquance : retour sur la provoc de Zemmour
Rue89
Oui, ils sont plus délinquants que les Blancs
(...)
Un sociologue à contre-courant sur le critère ethnique
Toutefois, un sociologue brasse à contre-courant : Sebastian Roché. Contrairement à la plupart de ses pairs, il a décidé de réinvestir une lecture qu'il juge « taboue » en France, celle de l'origine ethnique.
Durant vingt ans, il a épluché les condamnations prononcées en Isère contre des mineurs. En consignant notamment l'origine des parents des condamnés. Or il affirme que ceux dont au moins un des deux parents est né dans un pays étranger sont davantage délinquants. Vu l'âge des condamnés (des mineurs), la plupart de ces parents sont en réalité issus d'Afrique ou du Maghreb, conséquence des flux migratoires récents.
Le sociologue, qui affirme aujourd'hui avoir été « lynché » par ses pairs et ne plus publier pratiquement qu'en anglais sur le sujet, ne nie pas totalement le critère de l'origine sociale. Mais il attire notre attention sur un point intéressant : même chez les enfants de cadres supérieurs sans enjeu de précarité, il y a davantage de comportements délictueux chez ceux dont un parent serait né sur le continent africain par exemple.
Sur le terrain, certains trouvent « dangereux » de faire de telles statistiques à même de donner du grain à moudre aux xénophobes.
Le malaise est perceptible quand on détaille les chiffres mis en lumière par Sebastian Roché. Or ni l'institution scolaire, ni la protection judiciaire de la jeunesse ni même dans la police n'en donnent d'explications.
(...)
http://www.rue89.com/2010/03/19/noirs-arabes-et-delinquance-retour-sur-zemmmour-143594
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(...)
Le 6 mars sur Canal+, Eric Zemmour déclare :
« Les Français issus de l'immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes… C'est un fait. »
(...)
Karim Miské:
"Quelques jours plus tard, je lis ici, sur Rue89, que ces propos sont justifiés par des statistiques. Qu'en effet, il y aurait sur-représentation des Français originaires d'Afrique noire et du Maghreb parmi les délinquants. D'abord, cela me chagrine. Et puis je me dis que si c'est vrai, c'est vrai, il serait vain de vouloir écarter ces données au nom de la morale républicaine, de la bonne conscience de gauche. "
(...)
http://www.rue89.com/2010/03/23/zemmour-vire-du-figaro-dans-ses-propos-linconscient-colonial-144138
Commentaire: "Ha, la bonne vieille explication coloniale...
Comment se fait-il que des pays qui n'ont pas eu de colonies (Danemark, Suède, Canada par exemple) aient les mêmes problèmes d'intégration, avec les mêmes populations ?"
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Slate:
Eric Zemmour pouvait-il avoir raison?
Rue89, qu'on ne peut pas soupçonner d'être Zemmour-compatible, a cherché à savoir si des chiffres existaient pour valider ou non les propos du journaliste du Figaro. Et surprise, alors que les statistiques ethniques sont interdites en France, des chiffres sur ce sujet ultra-sensible existent bel et bien:
Lorsqu'ils sont placés en garde à vue, Noirs et Arabes se retrouvent, comme tout citoyen ayant affaire avec la police, inscrits dans le fichier « Canonge ». Ce fichier a la particularité de classer les interpellés par origine ethnique. Même si les statistiques du Canonge restent à prendre avec des pincettes, il indique qu'Arabes et Noirs sont « surreprésentés » (comprendre : plus nombreux en proportion que dans la population totale). A la lecture de ce fichier, L'Express montrait ainsi en 2006 qu'à Paris : 37% des 103 000 référencés étaient blancs, 29% étaient nord-africains, 19% étaient noirs.
(29+19= 48%)
http://www.slate.fr/story/19081/eric-zemmour-pouvait-il-avoir-raison
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Lien immigration – délinquance : Malek Boutih confirme
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