samedi 17 avril 2010

Gérard Noiriel revient sur le massacre des Italiens en 1893

Aigues-Mortais, trimards, Piémontais. Les acteurs de la tragédie sont en place, ce 17 août 1893, dans les marais salants d'Aigues-Mortes. Prospérité et misère sociale, mélange inflammable d'une "société impossible de milliers de prolétaires", travailleurs de souche, migrants qui triment dur, laissés-pour-compte de la République et saisonniers italiens. Les damnés de la terre ! Sur fond de crise économique, la mèche de ce cocktail explosif tient du fait divers, rixe et lutte d'honneur opposant "clan des trimardiers" et Piémontais plus ardents au travail. Baston et humiliation conduisent à l'alliance entre trimards, Ardéchois et Aigues-Mortais, et l'émeute fait huit morts et une cinquantaine de blessés parmi les Italiens. Pis, ce pogrom du sel restera impuni, les assassins, tous Français, sont acquittés malgré les preuves accablantes et on frôle la guerre entre France et Italie.

Gérard Noiriel ouvre le dossier en spécialiste de l'immigration. Presse (la "peur du couteau italien"), justice, armée, patrons et politiques sont clairement désignés dans cette chasse à l'étranger qui vire au scandale, longtemps effacé de la mémoire collective. C'est de la socio-histoire "au ras du sol", et de la meilleure. Au nom de ce devoir d'Histoire, ayant écarté l'explication raciste, l'auteur éclaire et transmet un conflit oublié et une tuerie survenue "à un moment clé de l'histoire de l'identité nationale française". Identité nationale, déjà !

Le massacre des Italiens, Aigues-Mortes, 17 août 1893 , de Gérard Noiriel (Fayard, 290 p., 20 euros).

Le Point.fr

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