La suppression du bouclier fiscal, la peur de l'alternance politique, le flou de la politique fiscale et la crise de la zone euro poussent à nouveau les candidats au départ à regarder vers la Suisse. Si tous ne passent pas à l'acte, l'effritement du secret bancaire suisse oblige ceux qui ont de l'argent non déclaré à choisir entre régularisation et expatriation. Beaucoup choisissent aujourd'hui de partir.
Par ici la sortie ! L'argent quitte à nouveau la France. C'est la conclusion de l'étude que vient de publier le magazine bimensuel suisse "Bilan ", sur la présence des exilés fiscaux en Suisse. Elle montre que, sur les 300 fortunes de plus de 100 millions de francs suisses résidant en Suisse, on trouve aujourd'hui 44 exilés français pour un patrimoine total de près de 30 milliards d'euros. Il y a dix ans, ils étaient beaucoup moins (17). Le nombre d'expatriés fiscaux français qui se sont installés à Genève, dans le canton de Vaud ou dans le Valais, atteindrait 2.000 personnes. Ce qui place les Français en deuxième position loin derrière les Allemands, deux fois plus nombreux.
Si la plupart des très grosses fortunes ont quitté la France depuis longtemps, l'aspiration à l'exil fiscal tend à se démocratiser : selon des avocats parisiens, le patrimoine moyen des candidats à l'expatriation a tendance à diminuer et avoisine les 25 millions d'euros. Mais dès 2 millions d'euros de biens, certains commencent déjà à faire leurs calculs. Pourtant, estime le fiscaliste Philippe Kenel, chez Python & Peter à Genève, "à moins de 5 à 6 millions d'euros, le forfait fiscal négocié avec les cantons n'est pas intéressant ".
Alors que le bouclier fiscal créé en 2006 avait tari le flux des exilés, depuis dix-huit mois, les riches Français piétinent à nouveau chez les avocats et banques privées. "On voit beaucoup de clients qui parlent de quitter la France ", reconnaît un des patrons d'une banque française. Mais, nuance-t-il, "on en voit beaucoup moins qui passent à l'acte. Cela les obligerait à délocaliser leur centre de vie, ce que beaucoup rechignent à faire. Quant à quitter leur pays qui offre encore d'énormes possibilités d'optimisation fiscale, y compris lors de la cession de leur entreprise, ce n'est pas toujours aussi intéressant qu'on le croit ". Contrairement aux idées reçues, le forfait fiscal suisse est en effet élevé et amené à se durcir.
Pourtant tous les professionnels interrogés relèvent une accélération des départs. Jean-Yves Mercier, chez CMS Bureau Francis Lefebvre, affirme : "Depuis que le débat monte en France sur l'équité du bouclier fiscal, les entrepreneurs qui envisagent de céder leur affaire se décident à partir avant la cession pour ne pas avoir à payer l'ISF. " Si son taux marginal (1,8 %) a été plus que divisé par trois, on ne connaît pas encore l'effet de cette baisse sur les candidats à l'exil. Mais on sait que près des trois quarts des candidats à l'expatriation bénéficiaient du bouclier fiscal. En fait, l'imprévisibilité fiscale qui caractérise la France terrifie de plus en plus ses résidents fortunés : "Comme en 1981, la crainte de l'élection d'un président de gauche qui a affirmé "je n'aime pas les riches" incite nombre de Français à organiser leur départ avant même l'élection ", affirme le rédacteur en chef de "Bilan ", Stéphane Benoît-Godet. "Il y a aussi une caractéristique que je ne rencontre que chez mes clients français, note Philippe Kenel à Genève, c'est le ras-le-bol vis-à-vis d'une société française qui, plus que toute autre, hait les riches à un point inconnu ailleurs. " Sans oublier que la crise de la zone euro, qui contraint chaque pays membre à lever plus d'impôts, ne fait qu'accroître l'attractivité d'une Suisse qui s'est soigneusement tenue à l'écart de toutes les instances communautaires. "L'immobilier suisse est clairement redevenu une valeur refuge pour les gens riches ", affirme Philippe Kenel.
Mais la peur de l'alternance, du matraquage fiscal... et des Français, n'explique pas tout. La convention fiscale entre la France et la Suisse, entrée en vigueur en 2010, et qui prévoit que la Suisse accorde des informations à la demande de la France sur les comptes des Français dans les banques suisses, a véritablement miné la confiance dans le secret bancaire helvète. D'autant que, échaudées par l'affaire UBS qui a failli perdre sa licence aux États-Unis, les banques suisses ont commencé à faire savoir que, bientôt, elles ne prendraient plus d'argent non déclaré. Pour Philippe Kenel, dans la décision de partir, la peur du gendarme est devenue plus forte que la perte du bouclier fiscal. Entre régularisation et expatriation, certains Français ont préféré choisir la seconde de crainte de subir une succession de redressements après être passés par la cellule de dégrisement.
http://iphone.latribune.fr/opinions/tribunes/20111202trib000668477/l-exil-fiscal-en-suisse-de-nouveau-en-vogue.html
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