mardi 4 mars 2008

Le français de plus en plus utilisé au travail

Karine Fortin
La Presse Canadienne

Le français est de moins en moins parlé à la maison, mais on l'utilise de plus en plus souvent au travail, non seulement au Québec mais aussi dans d'autres provinces dont le Nouveau-Brunswick et l'Ontario, révèlent d'étonnantes données du dernier recensement rendues publiques mardi par Statistique Canada.


D'après l'agence, plus du quart des Canadiens utilisaient «le plus souvent» ou «régulièrement» la langue de Molière au travail en 2006. Au Québec, cette proportion atteignait 94,3 pour cent, en légère hausse depuis 2001.

En comparaison, la langue de Shakespeare est employée le plus souvent par 17 pour cent des travailleurs québécois, auxquels s'ajoutent 22 pour cent qui l'utilisent fréquemment.

«Ça sera probablement une surprise pour nombre de personnes puisqu'en décembre on avait une diffusion qui montrait une baisse du français», reconnaît Jean-Pierre Corbeil, analyste des données linguistiques à Statistique Canada, Selon lui, l'analyse des tendances permet toutefois de mieux comprendre ce phénomène.

«On a reçu plus d'un million de nouveaux immigrants dont 80 pour cent ont une langue autre que le français ou l'anglais comme langue maternelle, donc ce n'est pas étonnant de voir que le poids du français a diminué. Par contre, la dynamique linguistique a l'extérieur du foyer est différente. Là on est dans une sphère publique et l'utilisation des langues est plus dépendante des groupes en présence», explique-t-il.

D'après lui, la sélection par le Québec d'une partie de ses immigrants est la cause principale du lent changement qui semble s'opérer sur le marché du travail. L'arrivée au pays d'un grand nombre de travailleurs originaires de la France, d'Haïti, du Maghreb et d'autres pays où le français est utilisé expliquerait la popularité grandissante du français dans les usines, bureaux et commerces.

Quelque 77,3 pour cent des immigrants qui n'ont appris aucune des langues officielles du Canada au berceau parlent français au travail. Ce pourcentage était de 76 pour cent la première fois que Statistique Canada l'a mesuré, en 2001.

Ces données sont de nature à rassurer ceux qui craignaient d'autres mauvaises nouvelles sur le front linguistique, après la publication de statistiques sur la diminution du poids démographique des francophones au Canada qui ont provoqué un débat à Québec sur la francisation des immigrants.

Les chiffres de Statistique Canada pourraient jeter un éclairage nouveau sur les conclusions que s'apprête à rendre publique l'Office de la langue française, qui a fait son propre bilan quinquennal de l'état de la langue au Québec. Le contenu de ce document n'est pas connu encore, mais des extraits controversés sur la situation du français à Montréal ont été coulés aux médias au début de janvier.

Si l'on se fie à Statistique Canada, la situation a peu changé dans la métropole entre 2001 et 2006. Les plus récentes données disponibles indiquent que 60 pour cent des travailleurs qui résident sur l'île de Montréal parlent français le plus souvent au travail. Le pourcentage atteint 74 pour cent dans la ville de Montréal, mais il est beaucoup plus faible dans les municipalités de l'Ouest de l'archipel comme Pierrefonds et Sainte-Anne-de-Bellevue.

Montréal demeure l'une des villes où l'on parle le plus souvent une langue autre que le français ou l'anglais au travail, mais il semble que cela soit de moins en moins fréquent, notamment grâce à l'arrivée d'un grand nombre de travailleurs ayant l'arabe pour langue maternelle qui ont tendance à utiliser surtout le français dans le cadre de leur emploi.

Le recensement de 2006 contient par ailleurs une rare bonne nouvelle pour les francophones hors Québec. Même si l'anglais est sans conteste la langue dominante dans les entreprises, l'utilisation du français est soit stable, soit en hausse dans presque tous les coins du pays. C'est notamment le cas à Ottawa ainsi que dans certaines villes du Nouveau-Brunswick.

Jean-Pierre Corbeil croit que l'immigration et la mobilité entre les provinces expliquent en partie ce phénomène.

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