mercredi 24 novembre 2010

Le racisme anti-Asiats, c’est si facile…

Bondyblog

Face de citron, mangeur de chien, jaune d'œuf… Les brimades de l’école ont laissé des traces dans la tête de notre blogueur Prosith, 21 ans. Devrions-nous aussi avoir un CRAN ou un CRIF ?, s’interroge-t-il.

Il y a au maximum une trentaine de familles asiatique dans ma ville de 30 000 habitants, Vigneux-sur-Seine (91). Depuis tout petit, j’ai toujours été pour ainsi dire le seul « chintok » où que je sois. Les remarques, du genre « face de citron » ou « mangeur de chien », j’en ai entendu. Pour moi, ce sont des brimades, des injures. Pour les autres, des « plaisanteries ». Sauf que, là où j’ai grandi, on ne va pas plaisanter avec Mamadou, hein, mais avec le Chinois de service.

Après la sortie de « Taxi 2 » (film hyper-caricatural sur les Asiatiques), j’ai eu droit pendant de nombreuses années à des « konichiwaaa » et autres « ching chong ». Quelqu’un m’a même une fois provoqué en bagarre. Il croyait que tout les « Chinois » savaient se battre. Petit, j’évitais les rares Asiatiques de l’école, eux-mêmes avaient compris aussi : traîner ensemble voudrait dire moqueries à gogo pour nous. C’était carrément pesant.

Ainsi, pour ne pas qu’on se moque de moi, j’ai ignoré pendant toute ma scolarité un Chinois venu du Chine. Pourtant je voyais bien qu’il cherchait une solidarité auprès de moi. Aujourd’hui, je regrette profondément de l’avoir laissé, lui aussi, seul dans son coin. Plus tard, au lycée, l’ambiance est devenue plus mature, même s’il y avait parfois des « chintok », des « jaune d’œuf » de lancés.

J’ai pu constater que mes amis « blancs » préféraient me taquiner, moi, à propos de mes origines. Jamais ils n’auraient oser charrier un « Algérien » ou un « Malien » ! La peur, sans doute… Il est toujours plus simple de s’en prendre au plus vulnérable. Ils l’avaient bien compris. En règle générale, c’était plutôt des « Africains » qui se foutaient de ma gueule. Naturellement, je ne cherche pas ici à livrer des origines en pâture, ce serait reproduire ce que j’ai subi, mais c’est souvent, et bêtement, comme ça qu’on désigne des groupes, en les rattachant à des nationalités ou à des continents.

Aujourd’hui, j’ai 21 ans et je ressens encore cette atmosphère de moquerie autour de moi. Quand je passe devant des petits enfants, ça ne m’étonne plus d’entendre « oh regarde, y’a un Chinois », et les adultes qui les accompagnent ne disent rien. Des personnes soient surprises que je parle français avec l’accent français.

Oui, « on » est silencieux, « on » est moins nombreux, « on » est tolérant. La manifestation des Asiatiques de Belleville, au mois de juin dernier, a laissé paraître un certain ras-le-bol contre l’insécurité et le racisme. Oui, le racisme, ce grand mot qui effraie tout le monde. Quand des petits cons s’en prennent spécialement à des personnes qui ont les yeux bridées, c’est quoi, sinon du racisme, alimenté chez certains par une paranoïa ?

Je ne suis pas du tout d’accord lorsque j’entends dire que les Asiatiques ne s’intègrent pas. J’en suis même révolté. Et d’abord, ceux qui disent cela, de quels Asiatiques parlent-ils ? De la récente migration chinoise ou de ceux qui sont là depuis plus de 30 ans ? Car si les nouveaux arrivants chinois restent ensemble, la grande majorité, qu’ils soient cambodgiens, vietnamiens, chinois ou laotiens, la plupart descendants d’immigrés, ont grandi en France et s’y sont parfaitement intégrés.

Je ne me souviens pas avoir entendu la moindre réaction de SOS Racisme ou de la LICRA suite aux propos d’Azouz Begag, qui disait : « Dans dix ans, on sera entouré de Chinois, alors il faudra que l’on se serre les coudes, les Français, les Arabes et les Africains, afin de protéger notre identité. » Black-Blanc-Beur ? Ah bah tiens, je crois qu’ils nous ont oubliés, là aussi.

Actuellement sur Facebook, on peut trouver un groupe intitulé « 2 milliards de Chinois en 2010, il serait temps qu’ils apprennent à s’enculer » (plus de 25 000 membres). Certes, c’est juste de l’humour, c’est pour plaisanter. Mais que dirait-on si, au lieu du mot « chinois », c’est le mot « musulman » qui apparaissait ? Devrions-nous aussi avoir un CRAN ou un CRIF ?

Prosith Kong

--------


Dans sa chronique économique du 16 mars, le journaliste Jean-Louis Gombeaud parle de la Chine qui va se mettre à exporter des TGV. Et conclut par cette phrase: «Rien à faire, les Chinois ne se sentent plus bridés», provoquant les rires dans le studio de RTL. Même prononcée sur un média national, ce genre de remarque est passée comme une lettre à la poste. Après tout, il ne s'agit que d'une blague potache comme il s'en dit tant dans la vie quotidienne. Pourtant, Jean-Louis Gombeaud aurait-il osé la même boutade –portant sur l'apparence physique– s'il avait parlé des habitants du Maghreb ou de l'Afrique subsaharienne ?

Une rapide recherche sur les pages Facebook suffit à constater l'«inégalité» des moqueries fondées sur l'origine ethnique. Tapez«chinois», et les groupes du type «Se forcer à manger du chien pour faire plaisir à son correspondant chinois» seront légion. Tapez «noirs»ou «maghrébins» et les résultats de recherche auront un ton nettement plus politiquement correct... En chantant (au second degré) «ne faisons plus qu'un contre les Chinois» lors d'une soirée contre le racisme diffusée en octobre sur France 2, l'artiste Max Boublil avait bien pris la mesure de cette disproportion!

De fait, si la condamnation du racisme à l'encontre des communautés issues de l'immigration africaine rencontre toujours un fort écho médiatique en France –la dernière preuve étant les vives protestationsayant suivi le dérapage de Jean-Paul Guerlain sur les «nègres» en octobre– il semble que la lutte contre le racisme anti-chinois, et plus généralement anti-asiatique, ne passionne que très peu les politiques, le tissu associatif et les médias. Pourtant, alors que la France est le pays d’Europe qui compte le plus de personnes originaires de Chine –on estime entre 400.000 et 700.000 le nombre de personnes composant la communauté chinoise en France, en incluant les immigrés de l’ex-Indochine d’origine chinoise, ce type de racisme serait en augmentation. C'est ce qu'observe Emmanuel Ma Mung, chercheur au laboratoire Migrinter de l'université de Poitiers:
«Si on compare au racisme anti-africain, anti-maghrébin ou à l’antisémitisme, jusqu'à une époque récente, le racisme anti-chinois était très faible. Il y a cependant un changement depuis quelques années. A l'intérieur de la communauté chinoise, on sent bien dans les conversations que les gens ressentent une hostilité plus forte.»
Le 20 juin dernier, plus de 8.500 personnes, pour la plupart issues de l'immigration asiatique, avaient manifesté à Belleville pour dénoncer des violences de plus en plus fréquentes subies par leur communauté. Les associations avaient alors évoqué des «fantasmes» sur les Chinois plutôt que des agressions racistes. Pourtant, «la population chinoise à Belleville mais aussi dans d'autres quartiers comme Aubervilliers est victime de violences justement parce qu'elle est chinoise», affirme Olivier Wang, secrétaire de l’Association des Jeunes chinois de France(AJCF). Le racisme anti-chinois est même «un phénomène qui augmente, affirme-t-il: il y a de plus en plus de violences et de stigmatisations».
Il convient cependant de distinguer le racisme violent mais marginal d'un sentiment d'hostilité plus latent qui grandirait depuis peu dans la société française, alors que les premiers immigrants chinois sont pourtant arrivés il y a plus d'un siècle. Emmanuel Ma Mung constate une évolution:
«Il se produit depuis quelques années un changement dans les représentations que la société française peut avoir des Chinois. Auparavant, c'était un groupe sans histoire, sans problème, qui ne faisait pas parler de lui. Aujourd'hui, on a un changement progressif qui est un concours de phénomènes assez compliqués.»
Parmi les facteurs de ce changement, on retrouve l'idée persistante de la «peur de la Chine», alimentée par l'image d'un pays de plus un plus puissant. «La crainte diffuse de la concurrence chinoise qui traverse les discours politiques et médiatiques véhicule une idée de menace», souligne Emmanuel Ma Mung. «En France, le terme "chinois" est très connoté et véhicule beaucoup de préjugés», renchérit Olivier Wang, qui cite l'image négative de la Chine liée aux droits de l'homme. Autre élément: la présence chinoise se manifeste plus qu'avant. Selon le secrétaire de l'AJCF, «la population chinoise en France n'est pas seulement plus nombreuse, elle est aussi plus visible». Alors que dans les années 1970, période de forte accélération de l’immigration chinoise, l’activité des nouveaux arrivants tournait surtout autour du commerce, du textile, des services ou de la restauration, les Chinois –et notamment les communautés Wenzhou et Chaozhou– sont aujourd’hui présents dans tous les secteurs de la société. De quoi faire surgir la crainte de l’invasion et de la perte d’identité, illustrée par les propos prêtés à Azouz Begag (ancien ministre à la promotion de l’Egalité des chances) en janvier 2010: «Dans 10 ans, on sera entouré de Chinois, alors il faudra que l’on se serre les coudes, les Français, les Arabes et les Africains, afin de protéger notre identité» 

(...)

http://www.slate.fr/story/31567/racisme-anti-chinois

Aucun commentaire: