mardi 23 novembre 2010

Pourquoi notre cerveau confond les visages d’autres ethnies

Des chercheurs ont montré que le cerveau ne répond de manière spécifique qu’aux visages de la même ethnie que la sienne. Si les nourrissons de trois mois savent eux faire la différence, ils perdent rapidement cette capacité

L’impression que toutes les personnes de type asiatique ou africain se ressemblent n’est pas due à notre mauvaise volonté mais à une réaction inconsciente immédiate, ont montré des chercheurs de Glasgow et de Fribourg. «Si tous les Chinois ont tendance à se ressembler pour nous Européens, ce n’est pas parce qu’ils ont tous les cheveux et les yeux noirs mais parce que notre système visuel a appris à les classer d’emblée dans une catégorie beaucoup plus large», précise Roberto Caldara, professeur à l’Université de Fribourg, à l’origine de cette étude publiée début novembre dans les Proceedings of the national academy of science. Ce phénomène trouve pour la première fois une explication physiologique.

Pour mettre en évidence cette différence de traitement, les chercheurs se sont intéressés à l’aire fusiforme faciale, région à l’arrière du cerveau droit, spécialisée dans la reconnaissance des visages. La vue d’un visage y génère un signal électrique visible après 170 millisecondes par électroencéphalogramme. En comparant les réactions de sujets qui voyaient successivement les visages de personnes d’origine asiatique ou européenne, ils ont découvert que leur réaction était spécifique aux visages observés uniquement lorsque ceux-ci étaient de la même origine ethnique que la leur. Ainsi, les sujets chinois réagissaient dans un premier temps de la même manière aux visages européens, quelle que soit leur identité. De leur côté, les Européens montraient le même signal d’accoutumance devant différents visages asiatiques: pour eux, ils étaient tous dans la même catégorie. «Nous avons démontré avec notre étude que ce phénomène est universel et se retrouve chez tous les êtres humains», souligne Roberto Caldara.

Cette différence de traitement que l’on pouvait attribuer à un jugement ou à un préjugé s’avère donc immédiate et due aux aires visuelles primaires. Purement inconsciente, elle se produit en un dixième de seconde et réduit d’autant plus notre capacité à distinguer des personnes que celles-ci ont un type ethnique éloigné de nous. Est-ce seulement le fait du manque d’expérience de certains types de visages? Non, car elle persiste même pour les Asiatiques, dont l’apparence reste très proche de la nôtre.

Cet «effet autre type de visage», ou «other-race effect» en anglais, est connu depuis longtemps des psychologues et reflète une spécialisation très précoce de la reconnaissance faciale. «A 3 mois, tous les nourrissons peuvent identifier indistinctement les visages, souligne Olivier Pascalis, directeur de recherche au Laboratoire de psychologie du CNRS, à Grenoble, mais à 9 mois, ils ont perdu cette capacité et classent les visages d’autres types dans une même catégorie. Comme pour le langage, le cerveau se spécialise très tôt pour ne traiter en détail que les signaux qui lui sont le plus familiers.»


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http://www.letemps.ch/Page/Uuid/cd8e49de-f680-11df-9ac5-b868ce971b84%7C0

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