jeudi 6 août 2009

Piégés «en plein vol» à Bangkok

Depuis plusieurs années, des étrangers accusés à tort de vol dans l’aéroport ont dû payer pour être libérés. Le Premier ministre thaïlandais a décidé d’agir.

Parfums, maroquinerie et autres marchandises proposés par les magasins détaxés de l’aéroport international de Bangkok sont des tentations pour les voyageurs en attente de leur vol, mais prenez-y garde : cela pourrait vous coûter plus cher que vous ne pensez. Des témoins affirment qu’un racket, à l’aéroport Suvarnabhumi de Bangkok, force des touristes, faussement accusés de vol à l’étalage, à payer des sommes d’argent colossales pour pouvoir rentrer chez eux.
Des dizaines de personnes auraient été victimes de ce racket sur les trois dernières années. Le cas d’Angela Norris, une Irlandaise venue en juin pour participer à une conférence internationale en Thaïlande, est emblématique. «Comme je n’avais pas eu de temps pour faire du shopping à Bangkok, j’ai acheté à l’aéroport des jouets pour mes enfants, et je me suis offert des produits cosmétiques», raconte-t-elle. Elle choisit un rouge à lèvres et un mascara, les présente à la caisse, paie avec sa carte de crédit et sort du magasin. Quelques minutes après, elle est entourée de gardes de sécurité qui lui lancent : «You ! You ! You go jail six months» («Toi, toi, tu vas aller six mois en prison»).
Elle accepte de laisser fouiller son sac où se trouvent les deux articles de maquillage, mais - surprise ! - un seul figure sur le reçu. Amenée au commissariat de police le plus proche de l’aéroport, elle passe la nuit dans une cellule «sale, puante et pleine de moustiques» avant de s’entendre dire qu’elle sera libérée «sous caution», en payant 2 100 euros.
Peu désireuse de passer plusieurs mois en prison, en attente d’un procès, elle paie et tente de récupérer son passeport auprès de la police de l’immigration… où elle est de nouveau arrêtée. Ce n’est qu’après l’arrivée de son mari, venu de Dublin, et avec l’aide de l’ambassade d’Irlande qu’elle pourra finalement prendre son vol, dix jours après la date prévue.
Le cas d’un couple britannique - Stephen Ingram et Xi Lin, deux ingénieurs de Cambridge - a fait grand bruit au Royaume-Uni. En avril, ils sont accusés de vol à l’étalage dans un magasin détaxé de l’aéroport de Bangkok. Comme dans le cas d’Angela Norris, leur méfait supposé aurait été filmé par le circuit interne de télévision. Amenés au commissariat local, ils se voient exiger une somme de 9 300 euros pour pouvoir être libérés. Ils passeront cinq jours confinés dans un motel proche de l’aéroport, le temps d’opérer des virements bancaires à partir de Grande-Bretagne.
Entre-temps, la vice-consule britannique leur a expliqué qu’ils avaient été victimes d’une arnaque classique de l’aéroport thaïlandais, baptisé le «racket zigzag». Depuis, ils affirment vouloir engager une procédure judiciaire pour récupérer leur argent. «Notre principale motivation est de protéger d’autres touristes britanniques innocents pour qu’ils ne soient pas pris dans ce cauchemar», explique Stephen Ingram. L’ambassade de Grande-Bretagne a mis en garde ses ressortissants sur son site Internet, et d’autres cas sont signalés par l’ambassade du Danemark. Selon les services diplomatiques hexagonaux à Bangkok, il n’y a, pour l’instant, aucun Français victime de ce racket.
La société King Power, qui dispose du monopole des ventes de produits détaxés à l’aéroport Suvarnabhumi, conteste la version donnée par ces touristes. Dans les deux cas cités, elle affirme que les images du circuit interne de télévision (qu’elle a mises en ligne sur son site Internet) constituent des preuves solides contre les accusés. Quant à ce qui se passe, une fois que les gardes de sécurité ont remis les touristes aux mains de la police, elle dit «ne pas pouvoir en être tenue pour responsable».
Devant l’effet désastreux de cette affaire sur l’image du pays, qui dépend beaucoup du tourisme, le Premier ministre, Abhisit Vejjajiva, a convoqué mardi le ministre des Transports, Sohpon Zarum, et le président des aéroports thaïlandais, Serirat Prasutanond, pour leur demander des explications.

http://www.liberation.fr/monde/0101581291-pieges-en-plein-vol-a-bangkok

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