jeudi 20 mai 2010

De jeunes chercheuses seraient forcées à jouer les espionnes

TÉMOIGNAGE | Après l’affaire Clotilde Reiss, une étudiante dénonce «l’irresponsabilité» des diplomates français. A elle aussi, l’un d’eux avait demandé de «rédiger des notes» dans un pays chaud.

C’est un démenti catégorique. Non, Clotilde Reiss n’a jamais été une espionne. La jeune Française, libérée dimanche après d’intenses tractations entre Paris et Téhéran, nie avoir travaillé pour le renseignement français. Une jeune chercheuse – appelons-la Laetitia – doute pourtant de la bonne foi de cette simple lectrice de l’Université d’Ispahan, retenue dix mois pour atteinte à la sûreté de l’Etat.


Car dans son pays de recherche, une nation exotique en pleine guerre civile, Laetitia a elle aussi été approchée par les services secrets. C’était il y a plusieurs mois. Bénévolement, elle devait fournir des informations sensibles à des «employés» de l’ambassade de France, sous forme de notes, sur les conflits interethniques et politiques qu’elle couvrait.

L’IFRI, l’Institut français de recherche en Iran, pour lequel travaillait Clotilde Reiss, a toujours dépendu directement du gouvernement français, comme l’ensemble du réseau des Instituts français de recherche à l’étranger. Selon Laetitia, ce réseau servirait de vivier d’informations aux renseignements. Au grand dam de la communauté scientifique, qui craint pour son indépendance et sa crédibilité aux yeux des autorités et des populations locales.

«A Paris, on presse les agents des ambassades pour avoir un maximum d’informations, ce qui conduit à des dérives», juge Laetitia. «Ces derniers sont poussés à manipuler cyniquement les jeunes chercheurs. Depuis le 11 septembre 2001, ils ont du mal à percevoir certaines réalités de terrain et se servent de nous. Ils savent aussi que si nous sommes accusés d’espionnage, il leur sera facile de nous faire passer pour de naïves oies blanches, prises en otage par des gouvernements paranoïaques. Nous sommes de la chair à pâté», explique encore Laetitia.


«Ce qu’a fait Clotilde Reiss n’est pas anodin, poursuit-elle. Si elle a rédigé une note sur la politique intérieure ou la prolifération nucléaire en Iran, elle a commis un acte d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays tiers.»

Le mutisme de Clotilde Reiss n’a pas surpris Laetitia. «Si elle parle, prédit la jeune fille, sa carrière sera brisée. L’étudiante a certainement reçu du gouvernement français une bourse ne dépassant pas les 900 euros par mois. Les agents de la DGSE, qui ont brisé leur «petite main» en lui demandant un travail dont ils nient aujourd’hui l’existence, touchent eux des salaires d’expatriés.»

http://www.tdg.ch/actu/monde/jeunes-chercheuses-forcees-jouer-espionnes-2010-05-19

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