samedi 22 mai 2010

Immigrants illégaux aux États-Unis: la carotte et le bâton

Cyberpresse

Les États-Unis admettent quelque un million d'immigrants illégaux par année, notamment en provenance du Mexique, avec qui ils partagent une vaste frontière.

Le laisser-faire en immigration mène toujours à une crise et, dans le cas américain, elle est explosive. Considérons les faits essentiels. La vaste opération de régularisation des immigrants illégaux commencée en 1986 a amnistié 2,8 millions d'individus. On disait à l'époque: c'est la dernière fois qu'on amnistie les clandestins, dorénavant la frontière sera vraiment surveillée.
Mais, en plus d'admettre annuellement un million d'immigrants légaux, les États-Unis ont continué de délivrer des visas temporaires pour des travailleurs étrangers, essentiellement hispanophones. Après l'expiration du visa, bon nombre de ces travailleurs restent sur place. Vingt ans après l'opération de 1986, il y avait quelque 12 millions de clandestins sur le territoire américain, soit 4% de la population totale.

Aucun domaine n'est aussi contaminé par la rectitude politique que l'immigration. Selon les «progressistes», il suffirait de recommencer l'opération de 1986 et d'accroître en plus le nombre annuel de travailleurs étrangers peu qualifiés. La faille dans cette position crève les yeux: si on régularise sans condition quelque 10 millions de personnes, on peut parier sa chemise que des millions de clandestins supplémentaires afflueront aux États-Unis, s'infiltreront dans l'économie souterraine et attendront la prochaine régularisation... sauf si les Américains bouclent effectivement, pour un coût astronomique, la longue frontière qu'ils partagent avec le Mexique.

Depuis le début de la récession est apparue aux États-Unis une angoisse économique non seulement conjoncturelle, mais également structurelle, fondée sur le sentiment diffus que le monde développé a en quelque sorte mangé son blé en herbe et qu'il faudra du temps et des sacrifices pour effacer l'ardoise. Dans ce contexte, la perspective d'arrivées continues de travailleurs peu qualifiés pose un sérieux problème pour la masse des travailleurs américains relativement peu scolarisés.


Dire que les clandestins contribuent à l'économie américaine ne résout pas la question de fond. Il y a en gros sur la planète un milliard de riches et six milliards de pauvres. L'offre d'immigrants légaux et illégaux dépasse très largement les besoins réels de chaque pays développé. Tout pays développé peut remplacer sa main-d'oeuvre faiblement scolarisée par une main-d'oeuvre étrangère très bon marché et plus docile, surtout lorsque les protections sociales sont aussi chétives qu'aux États-Unis: belle recette pour désagréger le ciment social.

Les États-Unis ne sortiront pas de ce bourbier en quelques années. La nécessaire remise en ordre exige un programme cohérent de longue haleine. Alors que les uns et les autres ne privilégient que l'utilisation exclusive de la carotte (l'amnistie inconditionnelle) ou du bâton (l'expulsion massive), une combinaison des deux s'impose. L'expulsion massive n'est ni réaliste ni acceptable. Mais la loi de 1986 est appliquée plus sérieusement depuis quelques années, et le nombre de clandestins diminue (1000 illégaux expulsés tous les jours, en moyenne).

Par contre, l'absence de courage politique du Congrès américain empêche toujours le début d'une nouvelle opération de régularisation, qui subordonnerait l'octroi du statut de résident permanent à diverses pénalités. Cela viendra sans doute. Mais quand? Personne ne le sait.

Cependant, cette vaste opération, qui s'étendra sur plus d'une décennie, exigera des retouches sérieuses au volet de l'immigration légale. Car une fois leur situation régularisée, les anciens clandestins auront le droit de faire venir aux États-Unis épouses, enfants, frères et soeurs. Cela représente éventuellement des millions d'immigrants supplémentaires. Il faudra donc restreindre considérablement le nombre futur de nouveaux travailleurs étrangers, pendant une longue période.

Ce mélange d'ouverture et de fermeture sera sans doute difficile à vivre pour bon nombre d'Américains. La difficulté de la tâche ne doit pas être sous-estimée, mais il n'y a pas d'autre solution réaliste.

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