mardi 22 février 2011

"Moi métis" : et vous ?

L'article "Moi métis" , publiée le 3 février dans Le Nouvel Observateur et sur Nouvelobs.com, a suscité de nombreuses réactions et témoignages.

"Grosd" nous fait ainsi remarquer qu'il est "bien content de voir aborder cette question", car, estime-t-il, "il n'y a que des Blancs dans les médias. Dans ma famille, il y a plein de mélanges sur plusieurs générations; sale Arabe, sale Juif, sale Chinois: j'entends cela souvent. Ça fait mal mais je regarde autour de moi et dans la rue je vois des gens de tous horizons et ça me redonne espoir." Voici, en vrac, quelques témoignages.

Simone : "J'étais institutrice dans une école de la banlieue parisienne. Nous avions des enfants d'origine maghrébine, africaine, antillaise, pakistanaise, turque, vietnamienne, coréenne...Que de patience il nous aura fallu pour éviter les conflits entre tous ces gamins ! Les plus mal lotis étant justement les métis. (...). Dans la cour, les "vrais" maghrébins faisaient la chasse aux "faux", c'est-à-dire les métis, ou encore les kabyles (souvent blonds), à qui on rappelait qu'ils " n'étaient pas arabes". Les petits Noirs se faisaient traiter de fils d'esclaves. Une fois, un petit gamin noir, plutôt foncé, vient en pleurant me voir : "Là bas, le garçon m'a dit que j'étais un sale noir et que ma mère m'avait pas lavé". Surprise : l'insulteur était noir lui aussi, mais plus clair. Il venait de Martinique alors que son souffre douleur venait lui du Gabon. Une autre fois, un autre petit garçon me dit qu'il voudrait être blanc. Parce que "vous les Blancs vous avez tous les droits". Pendant les cours, j'essayais évidemment de leur enseigner le respect de l'autre, éviter les préjugés raciste, insister sur l'apport des civilisations étrangères. Peine perdue quand dans les familles le discours est autre ! Combien de fois des parents m'ont demandé de ne pas faire voisiner leur enfant avec un Arabe ou un Noir. Seuls les vietnamiens et les coréens trouvaient grâce aux yeux de parents blancs...Je me rappelle d'une année où j'ai eu une tête de classe extraordinaire : six gamins d'origine maghrébine ou métis. Je devais pour qu'ils ne s'ennuient pas trop leur faire travailler le programme supérieur, leur donner des exercices en plus. Eh bien cette année là, j'ai eu des histoires (réglées depuis au tribunal) avec une mère qui a écrit à l'inspectrice que 'je ne m'occupais que des Arabes'... "

"Je suis d'origine malgache et je suis marié avec une blonde d'Aquitaine. Nous avons deux bambins mignons comme tout. Le problème est qu'ils ont la peau café au lait, du coup c'est très dur pour eux de s'intégrer dans leur classe parce qu'ils ne sont ni blanc ni noirs."

"Je suis une métis caramel (chocolat noir + chocolat blanc = caramel au beurre salé:). Et il m'a fallu deux décennies pour voir cela sous un jour positif. En France, c'était dur, mais vivre en Allemagne, où tout ce qui évoque le monde latino, caraïbe, samba etc... a la cote, cela m'a fait un bien fou. Le regard des gens peut faire beaucoup de bien, ou beaucoup de mal. Le dépaysement aide à sortir des ornières. Maintenant, de retour en France, je suis très heureuse de ce que je suis et ne changerais de peau pour rien au monde."

"Voici mon expérience avec mes 'enfants topazes'. Ma fille plus typée a conscience de son origine indienne au contraire mon fils de type caucasien pensait dès l'école primaire que sa soeur était d'origine indienne mais pas lui. Je leur ai apporté une éducation très française. De ce fait, mes enfants n'ont aucune ambiguïté sur leur nationalité. Je suis persuadée qu'au-delà de l'apparence, l'attitude influence la perception extérieure. Il ne faut pas développer à mon sens la culture "cul entre deux chaises" car nos enfants ne sont pas là pour porter un message politique: une totale immersion dans le milieu dominant leur assure un équilibre salutaire."

"Je suis métis. Mes parents sont eux-mêmes métis, ma mère est franco-espagnole et mon père espagnol et de mère indienne d'Amérique du Sud. Cet heureux mélange fait que ma soeur et moi avons des enfants avec ces mélanges (brun, peau légèrement bronzée et yeux clairs ou très bleus). Pour un non métis, la construction de soi est plus aisée car elle est un héritage d'une communauté avec une identité propre. Etre métis, c'est plus compliqué.. Le seul héritage est celui des parents et une construction sans héritage dominant fait souvent que l'on se définit par opposition aux autres. On se construit souvent en opposition à cause du rejet des autres mais aussi parce que l'on peut ne pas se sentir en phase avec ceux qui désirent nous intégrer (ou nous assimiler). Etre métis c'est remettre en cause très régulièrement son identité; parce qu'il faut la justifier, voire la mettre en avant (ou en retrait). Bref, c'est difficile mais à l'arrivée c'est une autonomie et une force de caractère pour qui y arrive."

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