En votant le 9 juin à l'ONU contre les sanctions imposées à l'Iran, le Brésil a commis une erreur lourde de conséquences pour son avenir, affirme l'expert brésilien des relations internationales Heni Ozi Cukier.
Lors du vote au Conseil de sécurité de l’ONU, le 9 juin, 12 membres se sont prononcés pour de nouvelles sanctions contre l’Iran, le Liban s’est abstenu et le Brésil et la Turquie ont voté contre. Comment analysez-vous ce vote ?
Heni Ozi Cukier La position du Brésil est étrange, à contre-courant de ce qui se passe dans le monde. Même les pays alliés de l’Iran [la Russie et la Chine] ont pris position pour les sanctions. Le Brésil et la Turquie sont entrés dans la discussion sans en comprendre véritablement les enjeux. Cette discussion dure depuis plus de dix ans, ils n'y ont pas participé. Ils n’ont rien apporté pendant ces dix années et, tout d'un coup, les voilà qui clament publiquement : "Nous avons résolu le problème, c’est réglé” !
En fait, le Brésil a réussi à faire le plus difficile : mettre d’accord les cinq membres permanents [du Conseil de sécurité]. Son attitude a permis à la Russie et à la Chine de changer d’avis face à un Conseil qui perdait sa crédibilité. Il est bien clair désormais que l’accord brésilien [signé avec l’Iran] n’a aucune valeur et que le Brésil s’est trompé.(...)
Le Brésil et la Turquie ont-ils fait preuve de naïveté ?
Je n’arrive pas à imaginer qu’il puisse s’agir de naïveté, parce qu’entre pays il n’existe pas d'amitié, il n'y a que des intérêts. Je pense que cela a été une grave erreur. Les deux pays ont voulu être leaders sur une question sans en avoir la capacité.
Ce manque de capacité est-il dû à un manque d’expérience au sein du Conseil de sécurité ?
Oui, et aussi à un manque de sérieux sur la question et à un manque de suivi du sujet. Comment le Brésil peut-il relativiser une règle aussi claire ? Une règle à laquelle le Brésil lui-même se soumet en tant que signataire du traité de non-prolifération nucléaire et qui permet aux inspecteurs de venir ici faire leur travail. Or l'Iran ne le leur permet pas : alors, comment le Brésil peut-il défendre l'Iran ?
Comment le Brésil va-t-il se sortir de ce "feuilleton", après avoir insisté pour conclure un accord rejeté et après avoir voté contre les sanctions ?
Je dirais que le Brésil a amoindri ses chances d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Les pays qui sont actuellement favorables à ce projet sont la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Ce sont les alliés naturels du Brésil, les pays avec lesquels il partage les valeurs démocratiques, le respect des droits de l’homme et celui des traités internationaux. Autrement dit, en soutenant l’Iran, le Brésil va à contre-courant de tout ce qu’il est par essence et de ce qu'il essaie d'obtenir politiquement, c'est-à-dire le siège de membre permanent.
Note :Heni Ozi Cukier est professeur de relations internationales à l'Ecole supérieure de publicité et de marketing (ESPM) et spécialiste de la résolution de conflits internationaux. Il a travaillé pour l’ONU et l'Organisation des Etats américains (OEA). Il s’occupe actuellement de projets de développement durable.
http://www.courrierinternational.com/article/2010/06/10/le-bresil-s-est-tire-une-balle-dans-le-pied
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Charles De Gaulle: "o Brasil não é um país sério".
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