Les Britanniques établis dans le Sud-Ouest sont de plus en plus nombreux à faire leurs courses en ligne auprès des supermarchés de leur pays. Ils s'y retrouvent financièrement et gustativement.
05.08.2010 | Leo Hickman | The Guardian
"Cela permet-il de faire des économies ? Il semblerait. Est-ce une folie du point de vue écologique ? Sans nul doute." Leo Hickman critique vertement, dans les colonnes du Guardian, le fait que les Britanniques expatriés en France se fassent livrer leurs courses depuis le Royaume-Uni. Au même titre que les roses coupées importées du Kenya ou les fruits exotiques acheminés depuis de lointaines contrées, il s'agit selon lui d'une "aberration" qui, rendue possible par la mondialisation, se révèle très coûteuse pour l'environnement."
Si cela n'a aucun sens d'envoyer une cargaison de charbon à Newcastle, importer en France des croissants, des baguettes et des bouteilles de clairet peut sembler encore plus absurde. Pourtant, en raison de l'appréciation de l'euro contre la livre, des centaines de Britanniques résidant dans l'Hexagone s'approvisionnent, y compris en produits français, dans les supermarchés de chez eux par l'intermédiaire d'Internet.
Simon Goodenough, le directeur de Sterling Shopping, une société de livraison de Brackley, dans le Northamptonshire, dit ainsi avoir 2 500 expatriés en France parmi ses clients, et il expédie chaque semaine cinq camions remplis de nourriture outre-Manche. "Nous livrons les produits des chaînes Waitrose, Sainsbury's et Marks and Spencer, mais surtout, et de très loin, d'Asda [filiale britannique du géant américain Wal-Mart], explique-t-il. Nous livrons dans le sud-ouest de la France, de Poitiers vers le sud, où l'on estime que vivent 25 000 Britanniques. Parfois, dans notre entrepôt, nous regardons ce que les gens ont acheté et nous rigolons de l'absurdité de la chose. On voit passer des croissants et des baguettes. Et nous livrons des bouteilles de bergerac achetées chez Sainsbury's à un client de Bergerac. Nous avons même quelques clients français qui ont entendu parler de notre activité. Ils en profitent pour s'approvisionner en currys et en tacos, des produits qu'ils adorent mais ne trouvent pas en France."
Sterling Shopping est l'une des quatre sociétés de livraison du Royaume-Uni qui expédient actuellement en France des produits alimentaires achetés en ligne auprès de supermarchés britanniques par des Britanniques expatriés. Il est conseillé aux clients de passer commande sur les sites Internet des supermarchés britanniques, de payer en livres et de demander à être livrés à l'adresse de la société d'expédition. Selon le domicile du client en France, cette dernière facture des frais allant de 15 à 25 % du montant de l'achat. Les surgelés sont interdits, mais la demande est telle que certains livreurs réfléchissent à une levée de cette restriction. Les douanes françaises, elles, interdisent uniquement l'importation de bœuf frais acheté au Royaume-Uni.
John Steventon est le propriétaire de l'entreprise de déménagement La Maison Removals, à Raleigh, dans l'Essex. De ses entrepôts partent des livraisons alimentaires pour un millier de clients britanniques vivant dans le centre de la France. "Nous ne faisons plus face à la demande en ce moment, constate-t-il. Ça tourne à plein régime. Depuis janvier, la demande est phénoménale. Les déménagements vers la France ont connu un vrai ralentissement l'année dernière, et nous avons constaté que des amis en France nous demandaient de leur amener des produits alimentaires de chez nous : alors, naturellement, nous nous sommes dit que c'était une bonne idée de monter un service de livraison d'alimentation. Nous avons trois camions réfrigérés qui font la route chaque semaine, plus deux non réfrigérés transportant des meubles, de l'électroménager, des articles de bricolage, etc. Notre carnet de commandes est plein jusqu'à Noël. "Les économies, sur la nourriture en particulier, sont considérables avec un euro fort. Nos clients nous disent que pour 100 livres [120 euros] qu'ils auraient dépensées en France en alimentation, ils économisent 30 livres [36 euros] en passant par nous, malgré notre commission de 15 %. Beaucoup commandent chez nous pour se procurer des produits qui leur manquent vraiment, comme le bacon et les saucisses."
Nikki Bundy, 41 ans, vit avec sa famille près de Périgueux, en Dordogne, depuis quatre ans. Elle a découvert les livraisons de produits alimentaires britanniques par le biais de la publicité dans les médias s'adressant aux expatriés et, depuis, elle achète l'essentiel de sa nourriture chez Asda. "Ça nous revient tellement moins cher, constate-t-elle. Je dépense désormais 300 livres [360 euros] par mois chez Asda, soit environ 70 % de mon budget alimentation. La nourriture française est bonne, mais on sort parfois du supermarché avec deux petits sacs de rien du tout en ayant dépensé 100 euros. Je continue d'essayer d'acheter mes fruits et légumes sur place, mais, pour le reste, je me fournis chez Asda. Et puis mes produits préférés me manquent, comme le pain de mie blanc, les baked beans [haricots à la sauce tomate], la jelly et les plats préparés. J'achète même du beurre de cacahuètes et des digestive biscuits pour un ami français. Il y a tellement plus de choix au Royaume-Uni."
Etonnamment, ajoute Nikki Bundy, ces livraisons venues d'Outre-Manche sont peu critiquées sur place. "J'ai quelques amis britanniques qui disent que nous devrions soutenir le commerce de proximité, mais nous sommes désormais si nombreux à recourir à ces livraisons que tout le monde est pour. En revanche, je ne sais pas ce qu'en pensent les Français, je ne crois pas que beaucoup soient au courant."
http://www.courrierinternational.com/article/2010/08/05/au-menu-des-expatries-britanniques-des-croissants-livres-du-royaume-uni
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