vendredi 2 juillet 2010

70 % des mannequins brésiliens proviennent de trois Etats du Sud

Gisele Bündchen est née dans le sud du Brésil. Elle a fait de cette région une mine pour les agences de mannequins. Pourtant, les critères de la beauté brésilienne évoluent, explique The New York Times.


Avant de s’installer au volant de son 4 x 4 rose pour aller écumer les cours d’école et les centres commerciaux du sud du Brésil, Alisson Chornak se documente, étudie des cartes et surfe sur le web afin d’évaluer l’héritage européen que les habitants des villes qu’il visitera ont pu conserver dans leur physique. L’objectif de ce découvreur de mannequins est de trouver le bon mélange entre racines allemandes et italiennes, avec peut-être un zeste de gènes russes ou slaves. D’après lui, c’est la recette génétique idéale pour produire des filles minces et élancées, le cheveu raide, la peau et les yeux clairs, que le Brésil exporte avec succès sur les podiums de New York, Milan et Paris.

Pourtant, le Brésil a changé depuis 1994, date à laquelle fut découverte Gisèle Bündchen – le top-modèle le mieux payé du monde – dans un petit village de la région. Les femmes à la peau brune sont plus nombreuses dans la société brésilienne d’aujourd’hui et remettent en cause les critères de la beauté brésilienne que Gisèle Bündchen a fini par incarner aux yeux du monde. En dépit de cette évolution démographique, plus de la moitié des mannequins brésiliens viennent toujours de petites fermes du Rio Grande do Sul, un Etat qui ne représente qu’un vingtième de la population et où se sont implantés des Allemands et des Italiens.

Les agences reconnaissent elles-mêmes que plus de 70 % des mannequins brésiliens proviennent de trois Etats du Sud, qui ne sont guère représentatifs du melting-pot du Brésil, un pays où plus de la moitié de la population n’est pas blanche. Cette situation crée une rupture entre l’idée de la beauté que se font les Brésiliens et celle qu’ils exportent à l’étranger. Certaines agences ont timidement commencé à explorer les régions moins blanches du Brésil. Un créateur brésilien, Walter Rodrigues, a récemment ouvert la Fashion Week de Rio avec vingt-cinq mannequins, tous à la peau noire.

Mais ici, dans le Sud, les agences continuent de chercher la nouvelle Gisèle et ne s’excusent pas de rechercher les profils les plus vendeurs.

Alisson Chornak s’arrête dans une école où la directrice lui montre les albums photo des concours de beauté de l’école. Elle autorise les représentants des agences à venir pendant les récréations.

“Depuis je suis dans cette école, cinq filles sont parties à São Paulo pour devenir mannequin, explique-t-elle. Celles qui n’ont pas les moyens d’aller à l’université devront rester et travailler dans les champs.”

Le lendemain matin, Chornak examine les écolières revenant de pause une sucette à la main. “Rien de particulier ici”, déclare-t-il.

Faisant étape dans une autre école à Paraiso do Sul (8 000 habitants), Chornak sort son attirail professionnel : cartes de visite, appareil photo, mètre de couturière et carnet. La cloche sonne et les écoliers s’engouffrent vers la sortie. Chornak arrête une grande blonde. Quelques secondes plus tard, il lui ébouriffe les cheveux, prend ses mensurations et lui fait prendre la pose contre un mur.

Dans une petite plantation de tabac, il rend visite à Michele Meurer, une jeune fille de 16 ans aux yeux bleus qu’il avait repérée alors qu’elle se rendait à l’école à vélo. Très timide, la jeune fille avait abondamment pleuré la première fois qu’elle était venue à São Paulo. La fois suivante, elle n’avait pas tenu une semaine avant que Chornak ne la renvoie chez elle. Sa mère, de langue maternelle allemande, n’avait jamais quitté son village avant leur séjour à São Paulo. La famille vit dans une maison de quatre pièces, avec des chiens et des poulets. Par manque de place, le congélateur se trouve dans la chambre de Michele.

Chornak conseille à Michele de mettre de la crème solaire avant d’aller travailler dans les champs et de surveiller sa ligne. Débordant de fierté, son père l’a inscrite à des cours d’anglais au cas où elle devrait partir à l’étranger. “Je voudrais qu’ils aient une vie meilleure”, explique Michele à propos de ses parents. Il n’y a pas longtemps, Michele est retournée à São Paulo, où Chornak l’a fait loger dans un trois pièces avec onze autres filles. Deux semaines avant la Fashion Week de São Paulo, elle a plié bagage. “Je suis très déçu qu’elle ait abandonné, explique Chornak. J’avais beaucoup misé sur elle.”

http://video.nytimes.com/video/2010/06/08/world/americas/1247468006067/finding-supermodels-in-rural-brazil.html

REPÈRES
Sélection de top-modèle


Le Brésil revisite ses origines : Tais Araujo a été la première femme noire à décrocher le très convoité rôle principal du feuilleton de 20 heures. Marina Silva, ancienne ministre née en Amazonie, est aujourd’hui candidate à la présidence de la République. Au cours des dix dernières années, le revenu des Noirs brésiliens a augmenté de près de 40 %, soit deux fois plus vite que celui des Blancs.
L’essor de l’économie a permis de réduire les inégalités sociales et de faire émerger une classe moyenne noire plus puissante. Même les magistrats se saisissent de la question et s’interrogent sur la constitution de la société brésilienne et sa représentation. Les procureurs brésiliens ont ainsi contraint les organisateurs de la Fashion Week de São Paulo, le rendez-vous mode le plus important du pays, à veiller à ce qu’au moins 10 % de leurs mannequins soient d’origine africaine

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