Afrique: terre de tolérance...
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Ils ne sont plus que 300 fermiers blancs au Zimbabwe. Une espèce en voie de disparition. «Chaque jour, j’ai peur que ce soit le dernier que je passe sur mes terres», raconte Peter (1), 36 ans, dernier fermier blanc de sa bourgade située au sud de la capitale, Harare. Ses douze voisins ont été expulsés. Jadis, il était le plus grand producteur de tabac du pays. Aujourd’hui, il tire mollement sur sa cigarette. En un an, il a perdu 20 kilos et la moitié de ses terres. Il a été traîné 54 fois au tribunal et s’est ruiné en frais de justice. Mais il ne baisse pas les bras. Quelque chose commence à bouger.
Des dizaines de sympathisants du président Robert Mugabe ont quitté, début juillet, trois fermes détenues par Heinrich von Pezold, un Allemand. Et ce à la suite de menaces claires de suspension d’un crédit de 20 millions de dollars (15,5 millions d’euros), faites par Berlin. C’est la première fois qu’une pression diplomatique réussit au Zimbabwe, depuis la «réforme agraire» lancée en 2000. Cette politique menée par Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1981, a consisté à confisquer leurs fermes à 4 500 Blancs, descendants de colons britanniques et autres Européens, sans aucune forme de compensation. A la clé, la ruine de l’agriculture, sur laquelle reposait l’économie du pays.
En février 2009, un homme est arrivé chez Peter. Avec six camarades armés, se présentant comme d’anciens soldats, ils se sont installés dans l’une des deux fermes de sa propriété. C’était celle de son père, où il est lui-même né. Les envahisseurs ont saccagé la récolte de tabac qui séchait dans les hangars. «Il y en avait pour des centaines de milliers de dollars américains», précise Peter, les larmes aux yeux.
Depuis, il lui faut cohabiter avec ce voisin encombrant. «Je lui ai donné une partie de ma récolte de citrons pour qu’il reste tranquille. Mais en septembre, trente types armés sont arrivés chez moi et ont cassé mon système d’irrigation. Ils sont revenus hier. Je suis sûr qu’ils vont voler la nouvelle récolte de tabac. Il y en a pour un million de dollars…» Dans cet Etat de non-droit qu’est devenu le Zimbabwe, aucun recours n’est possible devant les tribunaux. Les juges du pays ont tous eu droit à leur ferme, profitant de la réforme agraire. Le nouveau voisin de Peter, pourtant, n’est pas un homme de pouvoir. «C’est un type qui sort de prison et qui a tenté sa chance, raconte le fermier. Je n’avais jamais eu de problème avant, parce que je n’ai jamais soutenu l’opposition.»
Ne pas s’immiscer dans la politique, ce serait donc le secret pour garder sa ferme. «Ce serait du suicide de s’impliquer», explique Ajs Kirk, producteur de lait et de bétail, d’origine danoise. Son exploitation fonctionne encore, comme si, derrière la barrière en bois, le pays n’avait pas sombré dans le chaos. Sur ses 1 300 hectares, dix milles vaches paissent l’herbe grasse. Une épée de Damoclès n’en reste pas moins suspendue au-dessus de la propriété. «Evidemment, des milices sont déjà venues, se souvient Ajs Kirk. Ils m’ont traîné le long des barbelés, m’ont frappé, ils hurlaient. Mes voisins ont eu peur et ont tout abandonné. Mais ce sont de vulgaires intimidations.» Si ce fermier est toujours sur ses terres, c’est grâce à ses ouvriers agricoles, dit-il. Leurs habitations sont soignées. Les 500 personnes qui y vivent ont toutes l’eau courante et l’électricité, et le propriétaire a fait construire une école. Tous les managers sont noirs. Dans la ferme, on se déplace avec des VTT dernier cri sur les pistes de terre. «Certains de mes collègues disent qu’ils traitaient bien leur personnel, comme on traite bien ses chiens. S’ils sont malades, on les soigne : on les emmène chez le vétérinaire. Mais il faut plus que ça pour installer un respect mutuel et que ces gars puissent nous défendre, le jour où la ferme sera envahie.»
Son cousin possédait l’une des exploitations voisines. Le jour où un homme de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), le parti au pouvoir, est venu la saisir, Ajs Kirk s’est rendu sur place pour tenter de l’en dissuader. «Il m’a répondu que sa famille travaillait autrefois dans la ferme, et que l’ancien propriétaire, mon oncle, les fouettait depuis son cheval. Il volait donc cette ferme par esprit de vengeance. Je n’ai pas su quoi répondre.» Avec la réforme agraire, Robert Mugabe a de nouveau divisé le pays, l’ancienne Rhodésie ségrégationniste, selon des lignes raciales. Les Noirs sont considérés comme de «vrais Zimbabwéens», tandis que les Blancs ne sont que des «résidus de colons» qui doivent quitter l’Afrique.
Grâce à ses connexions politiques, Ann (1), une femme noire, a pris possession d’une ferme à une centaine de kilomètres de la capitale. L’emplacement parfait pour aller passer un week-end à la campagne. Sans emploi, elle fait partie de ces «fermiers du portable» qui veillent à leur exploitation par téléphone, depuis Harare. Elle présente la réforme agraire comme le début d’une révolution contre le néo-colonialisme, qui s’étendra bientôt à tout le continent africain. Elle admet toutefois que les dernières saisies de fermes sont davantage le fait de pilleurs et d’opportunistes. «Il faut être honnête. Ceux qui voulaient vraiment une ferme l’ont depuis longtemps. Cela fait dix ans, maintenant…»
Voix. Le plus important, pour le régime Mugabe, est de gagner les élections en s’assurant le vote des travailleurs agricoles. Peu importe que l’économie soit en crise, que le taux de chômage dépasse les 70% et qu’un quart de la population ait quitté le pays, pour aller chercher subsistance en Afrique du Sud.
(...)
«Bientôt, nous n’existerons plus», explique Deon Theron, le président du syndicat agricole, qui n’a pas perdu le sourire pour autant. «La loi nous oblige à accrocher un portrait de Robert Mugabe dans nos locaux. Voici le mien.» Il lève l’index : au-dessus de sa tête, un crâne de babouin.
(1) Les prénoms ont été changés, à la demande des personnes interrogées.
http://www.liberation.fr/monde/0101647668-mugabe-frappe-toujours-ferme-sur-les-blancs
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21 juillet
Depuis hier, l’armée a dû être appelée en renfort dans le township de Kya Sands, au Nord de Johannesburg, en Afrique du Sud. Une vague de violence dans la nuit a fait au moins 11 blessés et détruit plusieurs dizaines de magasins. S’il est encore difficile de distinguer la part de xénophobie et celle de simples actes criminels, entre rumeurs et réelles menaces, les autorités sont inquiètes. En 2008 déjà, plus de 62 étrangers avaient trouvé la mort dans une vague de violence similaire.
Depuis plusieurs semaines, la rumeur enfle : la fin de la Coupe du Monde marquera le début de nouvelles violences xénophobes à travers le pays. Cette rumeur s’est trouvée en partie vérifiée au lendemain de la fin de la compétition, la police ayant dû intervenir dans des townships du Cap, suite à des menaces et des attaques visant des immigrés.
Les travailleurs immigrés – avant tout zimbabwéens, mozambicains ou somaliens - sont traditionnellement accusés de prendre les emplois des Sud-Africains et d’être responsables de l’augmentation de la criminalité. Ils sont donc régulièrement menacés et confrontés à des violences.
Mais les tensions sont tout particulièrement fortes actuellement, poussant des milliers d’étrangers à quitter le pays. Lundi, le gouvernement zimbabwéen a même annoncé l’ouverture d’un camp au poste frontière de Breitbridge pour accueillir ses ressortissants fuyant l’Afrique du Sud. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) s’est également inquiétée de la situation : « Durant la dernière semaine de la Coupe du monde, le trafic pour traverser la frontière a été marqué par la présence de camions chargés de meubles et d’autres objets de ménage, indiquant que ces gens prévoient des flambées de violence xénophobe et envoient leurs biens au Zimbabwe pour réduire les pertes et pour leur permettre de quitter plus rapidement le pays si nécessaire ».
Après le succès du Mondial, les autorités souhaitent à tout prix garder la situation sous contrôle. Dimanche, à l’occasion de l’anniversaire de Nelson Mandela, le président Jacob Zuma a appelé ses concitoyens à conserver « l’esprit d’unité africaine » qui régnait pendant la Coupe du Monde. Mais cela ne rassure pas pour autant les travailleurs immigrés qui s’attendent à de nouvelles attaques.
http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article3726
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