AFP
Une clôture métallique de deux mètres de haut se dresse entre le stade tout neuf de Nelspruit (nord-est) et le township qui s'étend dans son ombre, emblématique de la façon dont les Sud-Africains les plus pauvres ont été oubliés par le Mondial-2010.
"Les améliorations ont eu lieu de l'autre côté, mais il n'y a rien eu de ce côté-ci", tempête Zanele Mathebula, 18 ans, en montrant le stade Mbombela, dont les sièges zébrés et les pylônes en forme de girafe ont coûté 110 millions d'euros.
"Je n'ai jamais pu entrer dans le stade et je suis coincée ici. Ils avaient promis des emplois, mais il n'y a rien eu", poursuit la jeune femme dans sa baraque de parpaings bruts et de tôle à Mattafin. "Les gens n'ont rien gagné" avec la Coupe du monde.
Sa frustration rencontre un écho dans la plupart des quartiers pauvres d'Afrique du Sud, qui n'ont pas bénéficié des retombées économiques de la grand-messe sportive. Une amertume qui fait craindre une éruption de violences après le coup de sifflet final.
Le groupe de réflexion The Elders (les Anciens), qui rassemble d'anciens dirigeants comme Kofi Annan ou Jimmy Carter, a mis en garde contre "la possibilité d'attaques xénophobes" après le Mondial, quand ceux qui avaient trouvé un emploi dans la construction "vont se remettre à chercher du travail."
"Maintenant que les chantiers sont terminés, les gens ne vont plus avoir d'emploi et la criminalité risque de repartir à la hausse", redoute Gladness Maluka, 34 ans, qui vend des légumes dans les rues de Mattafin.
En 2008, des attaques alimentées par les frustrations économiques et dirigées contres les étrangers, surtout Africains, avaient fait 62 morts et poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir les townships du pays.
Cette fois, le gouvernement se dit prêt à réagir: "Nous continuons à surveiller d'éventuelles menaces et si elles se révèlent crédibles, des mesures seront immédiatement appliquées pour empêcher toute éruption de violence", a assuré le ministre de la Police, Nathi Mthethwa.
Les aigreurs se sont déjà exprimées, pacifiquement, lors d'une manifestation à Durban au début de la compétition. "Si nous avons de l'argent pour construire des stades, nous ne devrions pas avoir de sans-abris ou de mal-logés", avait alors lancé un des organisateurs, Allan Murphy.
L'Afrique du Sud a dépensé près de quatre milliards d'euros pour construire ou rénover les dix stades hôtes de cette première Coupe du monde africaine, moderniser ses infrastructures de transport, préparer les forces de l'ordre...
Or, 16 ans après la chute du régime raciste d'apartheid, 43% de sa population, en grande majorité noire, vit toujours avec moins de deux dollars par jour. Et les plus pauvres n'ont pas bénéficié de la manne espérée pendant les quatre semaines du Mondial.
"J'avais vendu une vache pour acheter des marchandises", explique Kwenzekile Nzama, 54 ans, qui offre des paniers en osier et des masques à l'extérieur du fan park de Durban.
"Je m'en mords les doigts. Les clients ne viennent pas voir mes produits", ajoute-t-elle, en reprochant à la Fifa et au gouvernement d'avoir tenu les vendeurs à la sauvette à l'écart des sites officiels.
"Cette barrière a été dramatique pour nos affaires", dit-elle en désignant, là encore, la grille qui encercle la zone de diffusion des matches.
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