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Même à Princeton, ville universitaire réputée pour son ouverture sur le monde, cela a créé un choc : cette année, les classes d'allemand du lycée ont fermé. Définitivement. À leur place, des cours de mandarin sont programmés en première ou seconde langue pour les lycéens préparant leur diplôme de fin d'études secondaires, l'équivalent du bac. Si les étudiants américains "wasp" (white anglo-saxon protestant), autrement dit les blancs descendants des pères fondateurs de l'Amérique, vont désormais privilégier l'étude du chinois à celle d'une des principales langues européennes des affaires, c'est évidemment parce que le business se fait désormais avec Singapour ou Shanghai, plus qu'avec Francfort, Paris ou même Londres.
Mais c'est aussi un reflet de l'afflux spectaculaire de Chinois, notamment issus de la deuxième génération, dans les universités ou les postes à responsabilité. C'était déjà le cas sur la côte ouest, où des villes comme Seattle ou la canadienne Vancouver ont une proportion d'Asiatiques dans leur population qui dépasse largement, et depuis longtemps, celle des Noirs. Et la vague gagne maintenant la côte est. "Par l'excellence de leurs résultats universitaires, les qualités d'initiative, d'innovation, d'assiduité qu'ils manifestent, les Asiatiques sont en train de devenir dans le tissu conjonctif américain ce qu'était la communauté juive dans les années 1930 à 1950", juge une universitaire américaine qui enseigne justement à Princeton. Et la similitude est telle qu'ils ont une influence grandissante, même dans le domaine musical. Il faut s'y faire : les Leonard Bernstein d'aujourd'hui ont les yeux bridés.
Un apport qui pourrait commencer à poser des problèmes
Cette conquête de l'Ouest revue et corrigée à la sauce chinoise a une origine : une loi de 1965 révisant les conditions d'immigration très restrictives appliquées depuis 1924. Mais, au milieu des années 1960, les sénateurs et représentants pensaient que les critères retenus par leur nouveau texte (qualification professionnelle ou universitaire et présence d'un contact aux États-Unis) faciliteraient une immigration venant d'Europe de l'Est. En fait, ce sont des Asiatiques qui ont afflué : Japonais, Vietnamiens, Coréens et maintenant Chinois.
Certes, les États-Unis ont vu d'autres vagues d'immigration avant celle-là, et leur force, qui vient aussi de ce qu'ils sont un pays-continent, est précisément de savoir absorber ces nouveaux venus dans le melting-pot américain. Mais tout de même, cet apport, dont la deuxième génération vise d'abord l'élite, pourrait commencer à poser des problèmes : il semble que, sans le reconnaître officiellement, les universités américaines qui appliquent depuis 1978 le système de "l'affirmative action" pour faire place aux étudiants issus des minorités ont retourné ces règles à l'égard des trop nombreux dossiers de candidature d'étudiants asiatiques. Appelons un chat un chat. En bon français, on appelle cela faire de la discrimination.
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